LE QUOTIDIEN : Le conseil d’État a cassé en novembre 2014 deux arrêtés relatifs au télésuivi à distance des apnéiques du sommeil équipés d’un masque à pression positive continue (PPC). Où en est-on ?
PR JEAN-FRANÇOIS MUIR : Les professionnels sont plongés dans l’incertitude et dans un vide juridique total. Nous pouvons toujours prescrire un masque à PPC mais sans surveiller son utilisation par un système de télémédecine. Concrètement, les prestataires ne sont plus tenus de retourner les données d’observance aux prescripteurs. Or, l’observance est un élément incontournable en pneumologie et dans le suivi de l’apnée du sommeil.
C’est pourtant une association de patients qui avait saisi le conseil d’État, par crainte d’un « flicage » de la CNAM sur la bonne observance du traitement, à laquelle le remboursement était conditionné…
Ce n’est pas la réalité du terrain. J’ai 1 000 patients appareillés depuis plus de 25 ans. Quand je leur ai proposé un suivi automatisé de leur observance, aucun n’a objecté une quelconque attaque contre leur liberté individuelle. Aucun n’a parlé de flicage ! Pour eux, il est normal qu’un appareil coûteux comme la PPC bénéficie d’une telle surveillance. Ils savent aussi que le télésuivi leur apporte la sécurité en continu.
Que fait craindre ce vide juridique ?
Une baisse de la qualité du suivi des patients. La filière ne s’est pas écroulée, mais à terme, il y a péril en la demeure. La suppression de la télésurveillance ouvre le champ à toutes les dérives possibles. Je m’inquiète du retentissement auprès des patients les moins observants, qu’on estime à 30 % du total. Sans observance, un patient sur trois encourt donc un risque sanitaire.
Que demandez-vous ?
Ce n’est pas au médecin de répondre à un problème d’ordre juridique. Le décret [sur la télésurveillance] peut sans doute être amélioré et simplifié mais sans se priver d’un retour objectif du traitement prescrit. La télésurveillance doit réapparaître dans le suivi obligatoire des patients. Nous sommes prêts, professionnels de santé et prestataires à nous remettre autour d’une table de négociations avec les tutelles.
* Chef du service de pneumologie et de l’unité de soins intensifs respiratoires (USIR) du CHU de Rouen, également président de l’ANTADIR (association nationale pour les traitements à domicile, les innovations et la recherche).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature