Après de bons résultats dans un modèle porcin

La thérapie génique sur le seuil de l’insuffisance cardiaque

Publié le 25/07/2011
Article réservé aux abonnés
1311584317273173_IMG_65307_HR.jpg

1311584317273173_IMG_65307_HR.jpg
Crédit photo : BSIP

DE NOTRE CORRESPONDANTE

« C’EST LA DERNIÈRE étape préclinique pour clore plusieurs années de recherche. La régression de la dysfonction cardiaque sur un modèle d’insuffisance cardiaque, le cochon, dans un cadre pratiquement similaire à celui de l’humain est remarquable. En restaurant les taux de S100A1 ce travail ouvre la voie à un essai clinique », souligne dans un communiqué le Dr Patrick Most, chercheur à l’université d’Heidelberg (Allemagne) et à l’université Thomas Jefferson de Philadelphie (États-Unis) qui a dirigé l’étude. « Le profil thérapeutique du S100A1 est unique puisqu’il cible et inverse les causes sous-jacentes de l’insuffisance cardiaque, à savoir la détérioration progressive de la performance contractile, l’instabilité électrique et la perte d’énergie. »

Nombre de maladies cardiaques, dont l’infarctus du myocarde et les cardiomyopathies génétiques, évoluent vers l’insuffisance cardiaque (IC). En effet, la perte de tissu myocardiaque déclenche des réponses qui aboutissent au remodelage ventriculaire et à l’incapacité du ventricule gauche à maintenir un débit sanguin suffisant pour les besoins de l’organisme.

Malgré leurs bénéfices, les thérapies existantes ne ciblent pas les causes sous-jacentes, et l’IC progresse inexorablement. La moitié des patients en IC terminale décèdent dans les cinq ans.

Un régulateur de la contractilité.

L’équipe des Drs Most et Walter Koch (Philadelphie) s’intéresse depuis quinze ans à la protéine S100A1, qui contrôle dans les cardiomyocytes le cycle du calcium intracellulaire. Elle fonctionne ainsi comme un régulateur inotrope positif de la contractilité myocardiaque. Au cours de l’insuffisance cardiaque chez les humains et les animaux, les taux de S100A1 dans les cardiomyocytes diminuent progressivement, parallèlement à la baisse de la fonction contractile.

Il y a cinq ans, l’équipe montrait que la réparation de ce déficit moléculaire, par injection du gène S100A1, dans un modèle d’IC chez la souris réussissait à restaurer la fonction cardiaque en améliorant les fonctions du réticulum sarcoplasmique et de la mitochondrie.

Dans une étude publiée par « Science Translational Medicine », l’équipe a évalué cette fois-ci la thérapie génique chez un animal plus proche de l’homme : un modèle porcin post-ischémique d’IC, qui récapitule les caractéristiques cliniques de l’affection humaine.

Injection coronarienne veineuse.

L’IC a été induite chez des cochons en obstruant par ballonnet une artère coronaire gauche, provoquant de ce fait un infarctus du myocarde. Deux semaines après, lorsque les cochons présentaient une insuffisance ventriculaire gauche contractile importante, ils ont reçu la thérapie génique AAV9-S100A1 dans le myocarde ventriculaire gauche non infarci, par le biais d’une injection coronarienne veineuse rétrograde.

Les résultats à quatorze semaines sont probants. Tandis que les cochons témoins (injection d’AAV9-luciférase ou de solution saline) présentent une baisse importante des taux myocardiaques de la protéine S100A1 ainsi qu’une mauvaise performance cardiaque et un remodelage ventriculaire néfaste, la thérapie génique AAV9-S100A1 prévient et améliore ces changements fonctionnels et structurels en restaurant les taux cardiaques de la protéine S100A1. Cette thérapie S100A1 normalise le cycle calcium du cardiomyocyte, la prise en charge du calcium par le réticulum sarcoplasmique et l’équilibre énergétique.

La procédure semble sûre : l’expression du gène thérapeutique n’est pas détectée en dehors du cœur et aucun effet secondaire n’est observé.

« Cette thérapie va au cœur de la maladie, précise le Dr Koch. Elle fait que le cœur bat plus fort et surmonte les lésions des précédentes crises cardiaques. C’est le prochain événement important dans l’insuffisance cardiaque. »

Science Translational Medicine 20 juillet 2010, Pleger et coll.

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8997