Si nous admettons que le « burn out » est pour l’essentiel une perte du plaisir à exercer ou pire une souffrance à le faire, pour ce qui nous préoccupe ici – l’exercice de la médecine – nous sommes amené à prendre une posture élémentaire de la philosophie, à savoir interroger la notion de plaisir. Selon Platon, il existe un chaînage entre aimer et le plaisir de combler un manque. Est-ce imaginable de considérer que l’absence du manque pour un sujet — ici le médecin — se limiterait au seul champ de sa fonction ?
La littérature sur le sujet (articles, thèses,…) il n’apparaît pas clairement une frontière entre la perte du plaisir à exercer et le reste de l’espace affectif, psychologique ou cognitif. Si le concept de « burn out » ne peut être borné au seul champ de l’exercice de la médecine comment en faire une entité nosologique ? Pis encore, comment pourrait-on justifier qu’un médecin soit mené au suicide au seul motif de cet épuisement professionnel si les autres espaces de sa vie lui donnaient une jouissance à vivre ?
Selon Spinoza aimer se caractérise par la plénitude, la jouissance de l’objet aimé en rupture avec l’idée platonicienne que le plaisir naît du manque comme une quête inachevée de l’objet aimé. Là encore si le médecin ne trouve aucune jouissance, aucun plaisir à sa fonction, peut-on imaginer qu’il soit indemne d’une interrogation quant au sens qu’il peut donner à sa vie ?
Il serait en mesure d’être en amitié avec lui-même partout ailleurs que son exercice ! Si nous approchons la notion de plaisir par ce que nous en dit Freud, à savoir que le plaisir est sous-tendu par une structure psychique, la libido, on voit mal comment il se ferait qu’une partie de la libido soit effacée alors qu’elle se manifesterait ad integrum ailleurs. nous pourrions de la même façon interroger Nietzche sur la volonté de puissance que nous serions confrontés à la même impasse.
Si le « burn out » ne peut pas se définir dans ses limites comment peut-il être une entité ?— La notion d’entité suppose un contenu tout autant que des bornes, un contenant —, et s’il n’est pas une entité existe-t-il ?
Si la souffrance du médecin n’est pas discutable et justifie selon la demande un accompagnement thérapeutique, peut-on définir le « burn out » par une spécificité de la prise en charge thérapeutique ? De ce que nous en savons il n’en est rien, puisqu’il n’y a pas de distinction avec d’autres pathologies psychiques.
Si le « burn out » ne peut se définir ni par ses limites, ni par un contenu spécifique, ni par une thérapeutique propre qui est-il sinon une pure construction de l’esprit et le goût du catalogue ? Ce goût pour la liste a été parfaitement illustré par les travaux et une conférence récente d’Umberto Eco.
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