AVANT L’AVÈNEMENT de la pénicilline, la syphilis fait des ravages. Aux États-Unis, sa prévalence est de 5 à 10 % ; elle atteint même 25 % dans les milieux défavorisés. Elle constitue une cause majeure de morbidité et de mortalité neurologique, cardio-vasculaire et périnatale. Elle est considérée comme « une ombre sur la terre » (Parran T. « Shadow on the Land : Syphilis », 1937). En 1938, le chirurgien général américain Thomas Parran lance une campagne nationale de contrôle de la syphilis basée sur l’éducation du public, les tests sérologiques, la thérapeutique et un réseau de centres de MST. A l’époque, le traitement repose sur des approches comme les produits arsenicaux et la malariathérapie pour la neurosyphilis. Traitements jugés partiellement efficaces mais chers et toxiques. C’est dans ce contexte que sont publiées dans le « JAMA » du 9 septembre 1944 les trois études de l’équipe de Mahoney. Elle font suite à un travail préliminaire de la même équipe, publié en décembre 1943 dans « Ven Dis Inform », et qui avait montré sur 4 patients à un stade précoce l’influence de la pénicilline sur les manifestations cliniques et sérologiques de la syphilis. Sans entrer dans les détails, la première des trois études présentées porte sur 100 patients vus à un stade précoce. Le traitement consiste en une injection I. M. de 20 000 unités de pénicilline toutes les trois heures, nuit et jour, jusqu’à un total de 60 injections (1 200 000 unités). Des réactions Herxheimer-like sont notées chez 86 patients. On observe une rapide régression des ulcérations et des lésions cutanées.
La deuxième étude porte sur 1 478 patients également vus au stade précoce. Il est signalé une disparition rapide (de 6 à 60 heures) du tréponème au niveau des lésions ouvertes, une réponse sérologique, des phénomènes d’Herxheimer.
Syphilis tardive.
La troisième étude porte sur des syphilis tardives : 182 patients (dont 122 cas de neurosyphilis) suivis pendant 8 à 214 jours après le traitement. Schématiquement, les résultats dans la syphilis tardive sont les suivants :
- gommes cutanées et osseuses : cicatrisation sous 300 000 unités en douze à quarante-six jours ;
- dans tous les types de syphilis, baisse du titre des réagines sanguines dans 50 à 60 % des cas ;
- amélioration du liquide céphalorachidien dans 74 % des cas (le plus souvent, chute de la cellularité et de la protéinorachie) ;
- amélioration des symptômes de la neurosyphilis : paralysie générale (amélioration à des degrés divers chez 50 à 80 % des sujets en fonction du stade) ; tabès (amélioration à des degrés variable) ; neurosyphilis neurovasculaire (40 % améliorés à 50-70 %) ;
- kératite interstitielle dans la syphilis congénitale tardive : sur 14 cas, 6 sont améliorés, dont 3 à 100 % ;
- névrite optique : 2 améliorations sur 2 cas, dont une à 100 % ;
- surdité : résultats équivoques.
Chute du nombre de cas.
De 1944 à 1954, le taux de cas de syphilis rapportés quel que soit le stade diminue de plus de 75 % (de 368/100 000 à 83/100 000), avec même une chute plus importante pour la syphilis secondaire (de 62/100 000 à 4,5/100 000). En 1975, le taux de syphils a diminué de près de 90 % (de 368/100 000 à 37/100 000) et le taux de syphilis congénitale est passé de 521/100 000 à 29/100 000 naissances vivantes. Plus spectaculaire encore a été la chute de la mortalité liée à la syphilis (98 %), qui est passée de 14/100 000 en 1940 à moins de 0,2/100 000 en 1975.
Après les taux les plus bas dans les années 1990, on a cru pouvoir éliminer la maladie ; les Américains ont lancé un plan d’éradicaiton à l’objectif 1999. Mais le taux s’est mis à remonter en 2001, notamment chez les homosexuels masculins.
Malgré 65 ans de succès relatifs depuis l’avènement de la pénicilline, la syphilis reste un important problème de santé publique, avec une incidence annuelle globale de 12 millions de cas.
Douglas JM. JAMA du 18 février 2009, pp. 769-771.
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