Le médecin des pôles : pourquoi les COP sont indispensables

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Publié le 06/11/2017
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En 60 ans, explique Jean-Louis Etienne, les deux pôles ont enregistré une hausse de température de 4 degrés.

En 60 ans, explique Jean-Louis Etienne, les deux pôles ont enregistré une hausse de température de 4 degrés.
Crédit photo : AFP

L’Arctique (au Nord), l’Antarctique (au Sud) sont les premiers impactés par le réchauffement climatique. « En 60 ans, explique le Dr Jean-Louis Étienne, premier homme à avoir atteint le Pôle Nord en solitaire, les deux pôles ont enregistré une hausse de température de l’ordre de l’ordre de 4 degrés, tandis que le thermomètre planétaire s’élevait d’un degré en un siècle. Or, les pôles ne sont pas seulement des indicateurs cruciaux du changement climatique, ils en sont des acteurs majeurs : en fondant, la glace dégage du méthane, un gaz qui contribue vingt fois plus que le CO2 à l’effet de serre. Et les eaux provenant de la fonte de la banquise et des calottes glacières comptent pour plus d’un tiers dans l’élévation globale du niveau des mers, comme le note le dernier rapport de l’AMAP (programme d’évaluation et de surveillance de l’Arctique). Mais surtout, ce sont les courants océaniques qui partent des pôles du Nord et du Sud qui, en se réchauffant, déclenchent les catastrophes tels les ouragans dramatiques que nous avons subis récemment. »

D’où l’intérêt du programme Polar POD, conçu par le médecin-explorateur. Pour la première fois, l’homme va s’aventurer dans le principal puits de carbone océanique de la planète, le puissant courant circumpolaire antarctique, moteur de la circulation océanique mondiale, à la jonction des océans Indien, Pacifique et Atlantique. Polar POD va mesurer l’état de la machine climatique planétaire. « Pour le moment, la terre souffre d’un fébricule, note le Dr Jean-Louis Étienne, filant la métaphore médicale. On approche les 38° et les premières complications surviennent, sous forme de déluges, de tornades et de sécheresse. Il faut affiner le diagnostic dans l’immense fluide océanique où nous allons étudier les échanges entre l’air et l’eau pour la modélisation du climat, faire l’inventaire de la biodiversité et évaluer les contaminations par les micro-plastiques. »

Réveiller le sens de l'audace.

Mais l’enjeu n’est pas que scientifique. « Aujourd’hui, la prise de conscience des menaces liées au réchauffement est générale, mais les comportements n’évoluent pas vraiment, déplore le Dr Étienne. Les Français sont les champions du monde des bonnes intentions, mais ils renâclent en conscience à effectuer leur propre conversion. Un programme comme Polar POD a vocation à réveiller leur sens de l’audace. Nous avons besoin de rêves et d’aventuriers qui les incarnent. »

Et la COP 23 ? « Les accords de Paris ont marqué un pas décisif en permettant à chaque pays signataire de recevoir une feuille de route précise, rappelle Jean-Louis Étienne. La COP 21 a fait retentir une alerte planétaire et enclenché un mouvement mondial irréversible. À présent, il faut entrer dans le dur et mettre en œuvre l’effort de tous. D’où l’intérêt de ces COP annuelles. Ce sont les étapes indispensables dans une marche qui va prendre un temps colossal. Tout le monde doit s’engager et pas seulement les États, mais les industriels et aussi les médecins qui sont au chevet des patients victimes des pathologies liées au réchauffement. »

Construite l’an prochain, la plateforme Polar POD appareillera l’année suivante. Soutenue par 50 institutions scientifiques, universités et laboratoires d’une vingtaine de pays, elle sera construite en 2018 et appareillera l’année suivante. À la COP 25.

Ch. D.

Source : Le Quotidien du médecin: 9616