Si « Le Généraliste » était paru en 1906

Le médecin a droit au repos ! Oui… mais quand ?

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Publié le 16/03/2017
Histoire

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En édictant la loi sur le repos hebdomadaire, le législateur ne semble pas avoir eu la main heureuse. Sans doute, il a eu raison d’assurer aux travailleurs un jour de délassement par semaine et nous, médecins, nous ne pouvons qu’approuver une telle réforme. Mais, peu respectueuse des nécessités sociales, ignorant que c’est, selon la belle expression de Montaigne, « une violente et traistresse maistresse d’eschole que la coutume », la loi a fait une quantité de malcontents.

D’abord, pourquoi les uns et les autres, tout aussi intéressants, tout aussi dignes de repos ? Et puis, chose grave, on a troublé la quiétude du commerce de l’alimentation, c’est-à-dire qu’on a indisposé les grands électeurs, et c’est là un fait capable d’avoir sur les destinées politiques du pays des conséquences considérables.

Bien entendu, le médecin n’a pas été compris dans la loi. Juif errant des temps nouveaux, il est condamné à passer toujours sans s’arrêter jamais. Marche, médecin, pendant le jour ! Marche pendant la nuit ! Si tu demandes dix minutes pour prendre un peu de nourriture, on te répondra menace à la bouche, comme récemment à un de nos jeunes confrères de province : « Nous n’avons pas le temps d’attendre. Venez de suite ou nous saurons bien vous forcer à vous déranger ».

Le repos hebdomadaire, quelle douce utopie pour le médecin ! Et pourtant, si nous savions, si nous voulions, ne pourrions-nous pas, sans recourir à l’État et sans la moindre loi, nous reposer nous aussi ? Dans les villes, pourquoi ne pas établir un roulement volontaire semblable à celui accepté par les pharmaciens dans beaucoup de localités ? Dans les petites villes, où deux confrères exercent, la chose ne paraît pas malaisée. Dans les communes, le confrère d’un pays voisin ne pourrait-il remplacer son confrère absent ? Oui, tout cela est possible, mais il faudrait s’entendre et c’est là la grande difficulté. Elle n’est pas insoluble. Avec beaucoup de bonne volonté et des concessions réciproques de part et d’autre, l’entente cordiale médicale peut s’établir au mieux des intérêts de chacun.

Ne serait-ce pas aussi le moment de profiter du mouvement d’opinion créé par le repos hebdomadaire pour faire comprendre à nos malades qu’une fois par semaine, ils ne devraient s’adresser à nous qu’au cas d’urgence, remettant au lendemain les consultations pour les affections chroniques ? Sans le relever en aucune façon de son rôle d’humanité, cela permettrait au médecin de goûter un repos bien gagné, repos dont les malades seraient les premiers à retirer un bénéfice ultérieur. L’instant est favorable pour poser ces questions, ne le laissons pas échapper.

(« Le Journal des Praticiens », 1906)


Source : lequotidiendumedecin.fr