Si « Le Généraliste » était paru en 1898

Le nu et le plein air en thérapeutique

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Publié le 13/07/2016
Histoire

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Il existe dans le village de Veldes, dans l’Oberkrain, en Austrie, à une centaine de milles de l’Adriatique, au milieu des Alpes Juliennes, sur le bord d’un lac paisible, et près de la masse dolomitique du Triglau, une singulière colonie humaine. Ceux qui s’y réfugient ont la prétention d’y vivre suivant les lois de la plus pure nature.

Cette colonie a, en effet, été créée dans un but thérapeutique ; et il serait vraiment désastreux qu’en France nous en ignorions plus longtemps le parfait agencement. Pour la visiter, il suffit de prendre le train pour Innspruck (sic) en Tyrol, et de gagner de là Toblach et Villach. C’est un sanatorium, évidemment, mais avec des caractères particuliers qui font, précisément, son réel intérêt.

Les malades habitent dans des huttes de bois, situées en plein parc et ouvertes à tous les vents. Pas de fenêtres, mais une vaste baie par où pénètre la bise de l’Adriatique qui a passé par-dessus la montagne. Le tout dans un paysage charmant, sous les ombrages touffus de bois toujours verts.

Ce qu’il y a de plus curieux à signaler, ce n’est pas l’amour du grand air, puisque dans tous les sanatoria du monde, on le recherche avec prédilection : c’est l’usage du Nu au point de vue thérapeutique.

Les pensionnaires de cette curieuse maison de santé d’un nouveau genre sont, en effet, non seulement en plein air, mais absolument nus comme les sauvages de la Papouasie. Rien n’est plus imprévu qu’un déjeuner sur l’herbe du parc dans de telles conditions ! Les pensionnaires, presque tous des nerveux – est-il besoin de le dire ? -, munis d’un simple caleçon de bain et d’un chapeau de paille, à la manière de célèbres rois africains, sont accroupis sur la pelouse et dévorent à belles dents d’énormes tranches de bifteck, à la mode des cannibales.

On les voit également nus, à la gymnastique, se livrer à des exercices qui rappellent les jeux d’Australasie. D’autres fois, sur des nattes étendues sur le sol, ils passent des heures entières à goûter un repos bien gagné. Il faut voir ces biceps en plein vent pour sentir la bienfaisante influence de Sa Majesté le Roi Soleil !

Par ordre du gouvernement autrichien, un médecin a été attaché à l’établissement et tout s’y passe de la façon la plus correcte du monde, les dames opérant à part.

Mais, si jamais quelque industriel voulait, en France, se lancer dans une voie semblable, il ferait bien d’importer ici les mœurs américaines, le mélange des sexes ! Sa fortune serait faite ; et la moralité n’y aurait probablement rien perdu ! En ce temps de névrosés, les seins à la Rubens font moins d’effet que la puissante chevelure d’un Rigo ou d’un Sâr, parlant une langue inconnue.

(Marcel Baudoin, « La Gazette médicale de Paris », 13 août 1898)


Source : lequotidiendumedecin.fr