On parle de pancréas artificiel depuis près de quatre décennies. Où en sommes-nous désormais ?
Pr Éric Renard : En 2023, déjà 15 000 patients atteints d’un diabète de type 1 (DT1) en France sont équipés d’un « pancréas artificiel » à type de boucle hybride et ils sont chaque jour de plus en plus nombreux, encore plus parmi les enfants du fait des bénéfices sur le contrôle glycémique, avec la quasi-disparition des hypoglycémies nocturnes. Nous allons même débuter un essai chez les 2-18 ans avec installation de la boucle fermée dans les 3 à 6 mois suivant le diagnostic, donc sans attendre que ces jeunes aient vécu avec un système pompe/capteurs indépendants. Dans mon service, en un an, nous avons prescrit et installé 325 boucles fermées hybrides alors que nous avons une file active de 2 300 patients sous pompe à insuline. À ce jour, trois systèmes sont remboursés dont deux sont commercialisés (Medtronic Minimed 780G, Tandem Control-IQ) dès 6-7 ans, indiqués, pour l’un, chez tous les patients dont on pense qu’il leur sera utile vis-à-vis du contrôle glycémique et de la qualité de vie et, pour l’autre, en cas d’HbA1c > 8 % ou d’hypoglycémies sévères. D’autres systèmes vont bientôt arriver, dont le premier comprenant une patch-pompe (sans cathéter).
Si les bénéfices chez l’enfant et l’adulte semblent établis, on a longtemps pensé que le pancréas artificiel n’était pas fait pour les jeunes, peu investis et déséquilibrés sur le plan glycémique. Ce verrou est-il en train de sauter ?
Pr É. R. : En effet, on se rend compte sur le terrain que les adolescents mal équilibrés auraient intérêt à utiliser la boucle fermée, et c’est soutenu par de récentes études. L’une d’entre elles, présentée au congrès, rapporte que des adolescents mal contrôlés mis sous boucle fermée améliorent leur contrôle glycémique en 6 mois ainsi que leurs capacités cognitives, ce qui est corrélé à l’IRM à l’amélioration anatomique et fonctionnelle au niveau cérébral. La boucle fermée leur a en outre permis de gagner 13 % de temps passé dans la cible, avec une réduction importante du temps passé en hyperglycémie. Un autre essai, publié début mars 2023, montre que la boucle fermée hybride améliore le contrôle glycémique chez des jeunes âgés de 13 à 25 ans avec une HbA1c ≥ 8,5 %. Si vous parvenez à accrocher les adolescents sur la technologie, ils s’y mettent et sont métamorphosés.
Au-delà de l’optimisation du contrôle glycémique et de la réduction des hypoglycémies, qu’en est-il de la qualité de vie des patients ?
Pr É. R. : Les résultats de l’étude Implique, présentés au congrès, apportent justement des éléments de réponse. J’ai retenu que les adultes se sentent très mal vis-à-vis de la maladie, avec un très haut niveau de charge mentale (plus de 65 % d’entre eux sont par exemple à plus de 40 du score PAID – détresse liée au diabète) alors même que leur taux d’HbA1c est correct. Grâce à la boucle fermée hybride, en 3 à 6 mois, on note une amélioration de la charge mentale imposée par la maladie ; 47 % conservant un score PAID > 40. Concernant la qualité de vie (score Addqol), ils sont 10,6 % à J20 à avoir un score < -1 et plus que 4,6 à 6 mois. Globalement, le fardeau du diabète s’allège.
Les résultats sont plus complexes à interpréter chez les adolescents : sous traitement standard, ils ont un équilibre glycémique moyen similaire aux adultes, et pourtant, ils se sentent mieux, avec une moindre charge mentale. 75 % estiment avoir une bonne qualité de vie. Chez eux, l’apport de la boucle fermée n’est pas significatif, du moins sur le plan émotionnel car, sur le plan glycémique, Implique confirme que c’est un succès avec 76 % d’adolescents DT1 ayant une HbA1c < 7 % à 6 mois contre 25,5 % au départ.
À quand la boucle fermée totalement automatisée, permettant un fonctionnement autonome sans avoir à déclarer les glucides des repas et l’activité physique ?
Pr É. R. : C’est l’affaire de quelques années. Des études publiées ou en cours de réalisation ont montré la possibilité d’accroître la réactivité des systèmes de boucle fermée sans déclaration des glucides des repas et les résultats sont très encourageants. D’ici là, l’objectif est que tous les patients DT1 qui peuvent – et qui le souhaitent – bénéficier du pancréas artificiel en soient équipés.
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