Anesthésiste et metteur en scène

Le virus du théâtre

Publié le 20/06/2010
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Crédit photo : DR

DE NOTRE CORRESPONDANT

LONGTEMPS trop accaparée par son métier pour pouvoir vraiment cultiver sa passion, le Dr Catherine Besançon, qui exerce aujourd’hui dans une clinique de chirurgie esthétique, est finalement montée sur les planches il y a une quinzaine d’années. Mais elle s’est très vite tournée vers la mise en scène, d’abord avec « les Femmes savantes », de Molière, puis avec d’autres œuvres anciennes ou modernes, au rythme d’environ une par an. « Désormais, je me contente de traverser furtivement la scène, comme Hitchcock, qui se montrait quelques secondes dans ses films », explique-t-elle, préférant nettement le travail global de mise en scène, « où il faut tout faire et tout gérer, qui accapare beaucoup plus, mais qui épuise aussi ». Avant chaque pièce, avoue-t-elle, « c’est l’angoisse permanente de l’échec et, après, c’est la douleur du post-partum… jusqu’à la préparation de la pièce suivante ».

Manipulation.

« Après plusieurs pièces de Molière, je n’ai pas choisi de monter "Knock" parce que j’étais médecin, mais parce que ce personnage illustre plus largement la manipulation et l’emprise mentale d’un pervers sur un groupe, ce qui reste très actuel », poursuit le Dr Besançon, non sans remarquer que Jules Romains « s’était fort bien documenté sur le plan de la terminologie médicale pour créer son personnage », qui évoque bien sûr aussi toutes les dérives du discours pseudo-sanitaire. En outre, dit-elle, « Knock sonne très vrai dans ses rapports avec ses patients : même s’il se flatte d’avoir appris la médecine en lisant les notices de médicaments, on voit qu’il a aussi appris à gérer les gens en les inscrivant dans son propre discours médical ».

Dans « sa » mise en scène, Knock est joué par un… cadre de Pôle emploi, l’un des membres des Comédiens du Rhin, avec lesquels elle travaille depuis le début. « C’est l’une des troupes d’amateurs les plus connues de la région, souligne-t-elle, et, lorsque nous faisons une pièce, nous nous retrouvons régulièrement pendant des mois, avec des gens venus de tous les horizons : je suis la seule à être médecin dans le groupe. »

Une meilleure écoute.

Pour le Dr Besançon, monter une pièce consiste aussi à « sculpter de la matière humaine » pour obtenir un résultat, mais ce jeu du discours et du changement dépasse souvent le seul espace de la scène. « Faire du théâtre facilite les relations humaines, et je pense que cela a amélioré mon écoute des patients », estime-t-elle. Si elle vit pour l’instant dans les affres des trois représentations prévues fin juin, puis au mois de septembre, elle se réjouit néanmoins, dès le 24 juin, de traverser la scène d’un air lamentable, un énorme paquet de radios sous le bras, comme tous ces malades résignés que l’on croise dans la salle d’attente de Knock… et parfois aussi dans celles des vrais médecins.

*Du 24 au 27 juin au PréO, à Oberhausbergen ( près de Strasbourg), puis du 25 septembre au 5 octobre au Cube Noir, à Strasbourg. Renseignements et réservations au 03.88.61.00.05 ou comediensdurhin@orange.fr.

DENIS DURAND DE BOUSINGEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8794