Reconnaissance de l’arthrose

Les associations se bougent

Publié le 17/12/2015
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Les patients se plaignent d'un manque de considération

Les patients se plaignent d'un manque de considération
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« Bougeons-nous contre l’arthrose, une maladie grave ! » est le titre évocateur du livre blanc des états généraux de l’arthrose qui se sont tenus entre 2014 et 2015. Ce document a été publié en septembre dernier par l’association de patients AFLAR (Association Française de lutte anti-rhumatismale) qui soutient l’Alliance Nationale contre l’Arthrose, un collectif réunissant les patients arthrosiques et l’ensemble des parties prenantes impliquées dans leur prise en charge.

Les motivations initiales qui ont conduit les associations à se mobiliser sont simples : un manque d’information du public et des professionnels, une prise en charge insuffisante et socialement inégale, et enfin un manque de considération pour les patients. Selon ces associations, l’arthrose est encore considérée par l’opinion et les pouvoirs publics comme une simple conséquence du vieillissement avec son cortège de douleurs et de handicaps. Pourtant les chiffres sont là : L’arthrose touche plus de 10 millions de français. Cela en fait la 2e cause de consultation chez le généraliste et la première cause d’invalidité des plus de 40 ans. De plus, on estime à 5 millions le nombre d’arrêts de travail en 10 ans et un coût de prise en charge en augmentation.

Une maladie pas considérée

Côté décideurs, la prise de conscience tarde. Malgré la démarche amorcée par le Haut Conseil de la Santé Publique (HCP) dans la lutte contre certaines affections chroniques, force est de constater que l’arthrose n’en fait pas encore partie. En introduction du livre blanc le Dr Laurent Grange, rhumatologue et président de l’AFLAR, fait part de son impatience : « L’arthrose (...) n’est pas considérée par la plupart de nos décideurs comme une vraie maladie et n’est par exemple jamais pris en compte dans aucun plan santé ces dernières années. On parle, éventuellement, de "handicap ostéo-articulaire", sans la citer ! Pour les hommes et femmes politiques, l’arthrose n’est toujours pas un vrai problème. »

La priorité des pouvoirs publics semble être économique pour le moment. Le déremboursement des anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente au 1er mars 2015 semble donner raison au Dr Grange et aux associations. Tous dénoncent l’absence d’étude d’impact préalable et tous s’inquiètent du message adressé aux patients déjà mal considérés. Certes, il faudra encore du temps pour évaluer objectivement l’impact de cette décision sur les comptes de l’assurance maladie. Mais un report massif vers les AINS, remboursés et non dénués d’effets secondaires, est déjà constaté. Ce déremboursement a surtout renforcé le sentiment d’abandon des 10 % de patients soulagés par cette classe pharmacologique à action symptomatique, certes modeste, mais bien tolérée. L’étude d’impact devra également prendre en compte un possible excès de mortalité, conséquence de l’immobilité et donc de la comorbidité cardiovasculaire associée. Le déremboursement de la visco-supplémentation, pourtant pressenti, n’est pas annoncé à ce jour.

Des réponses qualitatives et quantitatives

C’est face à ce décalage entre la réalité du terrain d’une part, et la perception et les actions des pouvoirs publics d’autre part, que les associations, par la mise en place d’un travail fastidieux et méthodique (voir encadré), a voulu apporter des réponses qualitatives, quantitatives et élaborer une liste d’actions concrètes : Pour 2016, trois axes d’action prioritaires seront mis en place : soulager la douleur du patient, aboutir à une reconnaissance de cette maladie grave et favoriser une information performante des patients et des professionnels de santé.

Ce livre blanc est un premier jalon important pour les associations qui ont réussi à organiser une importante mobilisation pluridisciplinaire. Ce n’est pas encore une victoire pour une reconnaissance de l’arthrose comme maladie grave. Tant de choses restent à mettre en place pour transformer les 21 propositions prioritaires triées par le collectif en actions mesurables qui permettront d’obtenir des résultats indispensables pour déclencher un Plan Santé. Car la difficulté tient précisément dans la mesure du succès des actions mises en place. Le Pr Salamon, Président du HCP, précise que « les mesures de qualité de vie et l’évaluation des parcours de soins, qui sont des indicateurs majeurs pour une pathologie telle que l’arthrose, restent encore insuffisamment développées et des progrès sont nécessaires ».

Stimuler la R & D pour disposer de nouveaux traitements, identifier des biomarqueurs, développer des applications mobiles ou des serious game pour faciliter le quotidien des arthrosiques sont d’autres pistes à exploiter. Le mot d’ordre actuel reste les actions et les résultats pour que ce travail ne reste pas un cahier de doléances sans lendemain : Les arthrosiques en mouvement ne comptent plus s’arrêter en si bon chemin.

Emmanuel Le Poul

Source : Le Quotidien du Médecin: 9459