Au cœur d’une importante plateforme francilienne

Les bouleversements de la réforme de la biologie médicale à l’épreuve du terrain

Publié le 09/12/2013
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Crédit photo : S TOUBON

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Crédit photo : S TOUBON

LE PLATEAU TECHNIQUE du groupe Bio Paris Ouest, installé à Levallois-Perret (92) dans les sous-sols d’une ancienne chocolaterie à la façade de briques rouges, est rutilant. Les équipes (issues de deux plateaux) ont investi ces 2 000 m2 le 29 juillet. Baignées dans des atmosphères aux pressions finement dosées, des files de robots mènent une danse réglée comme du papier à musique, en silence.

Au milieu du plateau, un livreur dépose des cagettes de tubes remplis de sang et d’urine, identifiés par un code-barres et une couleur différente selon l’anticoagulant. Chaque jour, 7 000 à 8 000 tubes arrivent ici, qui correspondent à 3 500 à 4 000 dossiers de patients provenant d’une trentaine de laboratoires de proximité des Hauts-de-Seine, du Val d’Oise et des Yvelines.

1 200 tubes à l’heure.

Les tubes effectuent un long parcours entre les « mains » de différents automates. Ils sont d’abord confiés à un trieur qui vérifie la concordance entre l’analyse demandée et l’anticoagulant ainsi que le code-barres, avant de placer le tube sur un rack. « Avant, une seule personne vérifiait tout manuellement. C’était plus long qu’avec ce trieur qui traite 1 200 tubes à l’heure et assure une traçabilité parfaite », se félicite le biologiste Patrick Cohen.

Deux centrifugeuses se mettent en route pour les glycémies et les analyses d’urine. Un troisième robot débouche les tubes, prélève la substance qui surnage, qu’il dépose dans un autre cône afin d’éviter la contamination entre patients. Ce cône part ensuite via un petit train vers d’autres automates pour les analyses chimiques. « Nous réalisons 2 600 tests chimiques par heure. Pour les marqueurs tumoraux, ce sont 510 tests par heure sur 2 lignes », calcule Patrick Cohen. Les plus longues analyses prennent 17 à 19 minutes. Les machines fonctionnent 24 heures sur 24, non seulement pour assurer les urgences de nuit, des cliniques, maternités, ou maisons de retraites, mais aussi pour éviter toute perte de temps au redémarrage.

Le parc automatisé, d’une valeur de 1 250 000 euros, exige beaucoup d’attention : « Il faut calibrer les machines, les surveiller, les alimenter. Nous gardons toujours la main dessus », explique le Dr Cohen. Chaque matin, dès 6H30, du personnel contrôle les robots en leur soumettant des tubes aux résultats attendus, avant que les premiers prélèvements de la journée n’arrivent vers 8 h 30-9 heures. D’autres contrôles sont effectués en cours de journée. L’accréditation, amorcée dès 2005 dans le groupe BPO, implique que les résultats soient envoyés aux fournisseurs des robots mais aussi à l’extérieur pour des audits externes. Les équipes du Comité français d’accréditation (COFRAC) visitent les locaux au moins une fois par an. C’est cette accréditation obligatoire, réclamant des investissements lourds, qui pousse les laboratoires à se regrouper avec des plateformes centralisées et automatisées d’analyses (encadré).

Expertise, tact.

Face à ces machines et cette organisation multisites, le rôle du biologiste a changé, recentré sur l’expertise médicale (parallèlement de nouveaux postes ont été créés). De fait, le diagnostic joue un rôle croissant dans la prévention (dépistage du cancer du col de l’utérus), la prédiction du risque (après interventions chirurgicales non cardiaques) et la personnalisation des traitements... En tout environ 70 % des décisions médicales seraient prises à partir de résultats issus d’un test de diagnostic biologique.

« Ce sont les techniciens et "qualiticiens" qui effectuent les contrôles. Mais nous avons un rôle d’encadrement et surtout, nous devons valider les résultats » décrit le Patrick Cohen. Les données des automates sont transmises à un logiciel où des règles de validation ont été rentrées. « Si le tableau clinique est anormal nous devons faire un travail d’expertise sur les valeurs pathologiques », explique le biologiste.

La fréquence des interventions est très variable, selon la provenance des prélèvements. « Depuis les services d’oncologie, les trois quarts des bilans sont pathologiques. En revanche, le taux baisse à 10 ou 20 % pour la médecine de ville ou la médecine du travail », poursuit-il.

En théorie, le biologiste du plateau technique contacte le biologiste du laboratoire de proximité en cas d’anomalie. Mais il n’est pas rare qu’il doive joindre directement le patient ou son médecin, lorsque la structure de quartier est fermée. Patrick Cohen raconte : « Le tube d’une jeune fille de 17 ans, suivie pour anorexie, arrive à 11H20, samedi. On découvre une leucémie aiguë. Le laboratoire ferme à midi, le médecin est injoignable. Nous avons dû la prévenir en urgence et faxer les résultats au service d’hématologie. Il faut du tact et de l’éthique : on ne rend pas un résultat de HIV ou de leucémie comme ça ».

Accréditation bienvenue.

S’il a dû, tel un ingénieur de production, se former aux nouvelles machines, s’adapter aux évolutions technologiques et intégrer une culture de la qualité à l’échelle industrielle, Patrick Cohen se considère avant tout comme biologiste. « On nous demande sans cesse d’apporter la preuve de notre niveau. Nous avons au minimum trois formations par an. Cette industrialisation de la qualité est inédite en santé », assure-t-il.

De l’autre côté du couloir, en bactériologie, on accueille positivement les évolutions du métier. Le service compte deux biologistes pour 11 techniciens à temps plein et traite 500 prélèvements par jour. Aujourd’hui, ce sont des robots qui ensemencent les prélèvements sur les géloses. « La traçabilité est parfaite et cela nous dégage du temps pour autre chose », se réjouit le biologiste Vincent Vieillefond. « Autre chose » précisément, c’est notamment la lecture des colonies de bactéries à J+1 et J+2, des antibiogrammes, pour ajuster les traitements, et les déclarations obligatoires en cas de germe anormal.

Le service de bactériologie recevra les équipes du comité d’accréditation en 2015 et 2016. Vincent Vieillefond est confiant. « L’accréditation, qui nous impose de tout tracer et justifier, donne beaucoup de travail supplémentaire. Heureusement, il n’y a pas eu de suppression de poste lors de la mutualisation des services ».

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9287