De notre correspondant
UNE ÉTUDE a montré que les femmes se couchent et se lèvent plus tôt que les hommes (Adan et coll., 2002). Les auteurs ont, par ailleurs, récemment noté que les rythmes circadiens de la mélatonine et de la température corporelle se déclenchaient plus tôt, par rapport à la période de sommeil, chez les femmes. Mais le support biologique de ces différences reste encore largement inexploré.
Les Américains de Boston ont recueilli, durant une moyenne d’un mois (de 2 à 6 semaines), des données chez 157 participants (52 femmes, 105 hommes ; âgés de 18 à 74 ans). La période circadienne endogène moyenne, évaluée par la température centrale ou par les concentrations plasmatiques de mélatonine (n = 129), s’établissait à 24,15 heures. C’est le protocole Kleitmann FD (pour forced desynchrony) qui a été utilisé car il permet d’apprécier avec plus d’exactitude la périodicité intrinsèque que le paradigme dit « free-running ».
La période intrinsèque des centres rythmogènes.
Les mesures enregistrées chez les participants montrent que le sexe a un impact significatif sur l’horloge biologique. Ainsi la période intrinsèque des centres rythmogènes (pacemakers) circadiens est significativement plus courte chez les femmes que chez les hommes, qu’elle soit évaluée au travers de la température (femmes : 24,09 ; hommes : 24,19 ; p < 0,01) ou les taux de mélatonine (femmes : 24,08 ; hommes : 24,18 ; p < 0,01). En moyenne, la période circadienne endogène est de 24 heures et 5 minutes chez les femmes et de 24 heures et 11 minutes chez les hommes. De plus, une proportion significativement plus grande de participantes a des périodes circadiennes inférieures à 24 heures (35 % vs 14 % ; p < 0,01). L’âge ne semble, en revanche, pas avoir d’influence significative sur ces rythmes. Les femmes pré- ou ménopausées ont des périodes circadiennes comparables.
Comment expliquer ces différences ? On peut d’abord penser qu’elles sont en relation avec les taux d’estrogène, évidemment plus élevés chez la femme. Il a été montré que l’administration continue de benzoate d’estradiol à des femelles hamsters ovariectomisées se traduit par un raccourcissement des périodes circadiennes. Il est également possible que l’exposition à de fortes concentrations d’estrogènes durant le développement, dans le sexe féminin, exerce une influence sur le pacemaker hypothalamique.
Différence d’alignement de 36 minutes.
L’écart moyen de 6 minutes noté entre les périodes endogènes chez la femme et chez l’homme peut sembler minime, mais il pourrait suffire à expliquer les différences d’angle de phase (c’est-à-dire la relation existant entre les différents rythmes commandés par l’horloge biologique), observées dans des travaux antérieurs. Les auteurs estiment que cette différence de 6 minutes peut rendre compte d’une proportion notable (environ 75 %) de la différence d’alignement de 36 minutes observée entre hommes et femmes dans le rythme circadien de la mélatonine
Cette étude suggère donc que la période circadienne endogène est, en moyenne, plus courte chez les femmes que chez les hommes et qu’elle est inférieure à 24 heures chez un plus grand nombre de femmes que d’hommes. Si ces données sont confirmées sur des cohortes plus étendues, elles pourraient apporter un nouvel éclairage sur la prédisposition plus marquée, chez les femmes, aux troubles du sommeil.
Duffy J.F., Czeisler C.A. Sex difference in the near-24-hour intrinsic period of the human circadian timing system. Proc Ntl Acad Sci USA (2011) Publié en ligne.
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