C’EST EN 2011 que l’assurance-maladie a annoncé la mise en place de son programme PRADO relatif à l’accompagnement du retour à domicile après une hospitalisation post-partum. Après avoir été expérimenté dans plusieurs établissements, ce programme commence aujourd’hui à être développé dans d’autres maternités, sous le regard inquiet d’un certain nombre de professionnels. « On ne peut que regretter que ce programme soit mis en place sans concertation, ni concertation avec les professionnels exerçant dans les maternités. Il y a peut-être des sites où cela se passe bien, mais nous avons aussi beaucoup de remontées qui font état d’un profond mécontentement vis-à-vis de cette initiative qui risque de provoquer une destabilisation du fonctionnement de certaines maternités », indique le Pr Umberto Siméoni, président de la Société française de médecine périnatale et chef du pôle de médecine et de réanimation néonatale à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille.
Ce responsable vient de cosigner une lettre, exprimant une forte réserve vis-à-vis du programme PRADO, en compagnie d’autres représentants de sociétés savantes : le Pr Francis Puech, président du Collège national des gynécologues-obstétriciens français, le Pr Brigitte Chabrol, présidente de la Société française de pédiatrie et le Pr Elie Saliba, président de la Société française de néonatologie.
Ce dispositif PRADO vise à favoriser le retour au domicile des mères, après la naissance de leur enfant, « dans les meilleures conditions possibles » et en lien avec une sage-femme libérale. Après avis de l’équipe médicale soignante, une conseillère de l’assurance-maladie se rend à la maternité pour rencontrer la mère, au lendemain de son accouchement, afin de lui présenter le dispositif et recueillir son éventuelle adhésion. Elle convient d’un rendez-vous avec une sage-femme, choisie par la mère, pour deux visites à votre domicile. La première est programmée pour le lendemain de la sortie, la seconde dans les 48 heures suivantes. « L’introduction sans concertation, dans la relation médecin ou soignant-patient d’un intervenant supplémentaire, le conseiller de l’assurance-maladie, dont la formation professionnelle n’est pas précisée (vraisemblablement un redéploiement des agents d’accueil téléphonique du système de protection sociale) ne manquera pas de compliquer celle-ci, alors que les professionnels en place ont entrepris de longue date le fonctionnement en réseaux locaux post-hospitaliers. La poursuite des soins à domicile fait déjà partie des options offertes par la plupart des établissements et équipes soignantes, bien plus élaborées que le recours isolé à la sage-femme libérale éventuellement disponible, quelles que soient les compétences et la disponibilité de celle-ci », soulignent les quatre signataires, avant de lancer un avertissement. « Il existe un risque réel de dysfonctionnement, d’erreurs d’appréciation de la disponibilité du suivi d’aval, sachant qu’actuellement l’ensemble du territoire n’est pas maillé de façon homogène par des sages-femmes libérales en exercice, susceptibles d’intervenir 24 heures sur 24, 365 jours par an, et situées à une distance du domicile de chaque patiente compatible avec l’impératif de sécurité ».
« L’assurance-maladie fait valoir que la venue de cette conseillère se fait uniquement avec l’accord de l’équipe médicale. Mais on peut craindre que dans un certain nombre de maternités, les patientes ne bénéficient pas d’une information équilibrée à l’égard des dispositifs existants, éprouvés », constate le Pr Simeoni.
Sans remettre en cause la formation des sages-femmes libérales, ce médecin met en avant la spécificité du suivi de l’enfant durant cette période néonatale. « Même si l’immense majorité des naissances se déroulent sans problème, la période néonatale est toujours à risque et c’est un moment où la compétence et l’expérience du pédiatre restent irremplaçables. Les sages-femmes ont évidement tout leur rôle à jouer dans la prise en charge des nouveau-nés sains, mais la définition même du caractère normal et sain d’un nouveau-né demande une expertise qui, pour nous, néonatalogistes, est aussi difficile que la réanimation néonatale. En France, notre système de soins a été conçu pour que le suivi des enfants en bas âge soit confié à un pédiatre, à chaque fois que cela est possible. L’expérience des pédiatres est essentielle pour repérer certaines anomalies débutantes parfois très discrètes », souligne le Pr Simeoni, en citant notamment le risque d’infection néonatale retardée, de décompensation d’anomalies constitutionnelles comme l’hyperplasie congénitale des surrénales ou la détection de certaines cardiopathies congénitales en l’absence de diagnostic prénatal, du risque d’hyperbilirubinémie secondaire. « Chacune de ces anomalies peut avoir des conséquences responsables d’un handicap la vie durant. Si la fréquence de ces cas est faible, leur importance au titre individuel est évidente, et sur le plan de la santé publique, elle se situe bien au niveau des indicateurs des indicateurs de mortalité et morbidité périnatale, qui sont de l’ordre que quelques unités pour mille naissances », soulignent les quatre signataires du texte, en évoquant « l’état préoccupant des indicateurs de santé périnatale en France » mentionné dans le récent rapport de la Cour des comptes sur la périnatalité (2011).
« À l’heure où des restrictions budgétaires sont demandées à tous les responsables de pôle d’activité et devant les dépenses considérables générées par la mise en place du conseiller de l’assurance-maladie dans les maternités », les quatre signataires du texte demandent une « évaluation médicale et financière du programme PRADO par les pouvoirs publics ».
D’après un entretien avec le Pr Umberto Simeoni, président de la Société française de médecine périnatale et chef du pôle de médecine et de réanimation néonatale à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille.
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