Traiter les migraines sévères

Les promesses d’une alternative thérapeutique

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Publié le 11/03/2016
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MIGRAINE

MIGRAINE
Crédit photo : PHANIE

Dans la migraine, les développements cliniques vont bon train. Quatre phases 2 ont déjà été publiées et des phases 3 sont en cours sur une nouvelle approche préventive par anticorps anti-CGRP, dirigés contre la molécule CGRP ou ses récepteurs (1-3).

La dernière publication date de février 2016 (4) et, globalement, cette nouvelle classe a prouvé son efficacité, jugée sur la réduction de la fréquence des crises de plus de 50 % et une différence avec le placebo supérieure à 30 % après 12 semaines, ainsi que l’absence d’effets indésirables rédhibitoires (la toxicité hépatique était surveillée de près).

Il s’agit d'anticorps monoclonaux qui bloquent le peptide relié au gène calcitonine ou CGRP, un messager de la douleur libéré par le système trigéminovasculaire responsable de la crise. « Si ces anti-CGRP (en injections bimensuelles ou mensuelles) transforment l’essai, nous disposerons enfin d’un traitement de fond supplémentaire, espère le Pr Anne Ducros, neurologue à l'hôpital Gui de Chauliac (CHU Montpellier). Une seconde ligne bien utile aux migraineux sévères, souffrant de migraines épisodiques à haute fréquence (7 à 14 jours par mois) ou de migraines chroniques (> 15 jours/mois depuis plus de 3 mois) et non répondeurs ou intolérants aux autres thérapeutiques de fond (métoprolol, propranolol, topiramate, amitriptyline, oxétorone). De plus, 5 à 10  % des migraineux semblent répondeurs à 100  %, c’est-à-dire que sous traitement de fond actif, ils n’ont plus aucune crise de migraine. »

Toujours dans le traitement de fond antimigraineux, la prise en charge n’a pas varié depuis les recommandations de 2013 (2) sous l’égide la Société française d’étude des migraines et des céphalées. La seule modification importante est la contre-indication totale de prescrire du valproate de sodium (hors-AMM en prophylaxie migraineuse) à une femme migraineuse non ménopausée en raison de ses effets tératogènes, y compris dans les centres tertiaires neurologiques.

En situation de crise, ne pas se fier à l’effet de classe

Le traitement de crise repose pour sa part sur l’association d’un triptan et d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), le patient étant informé qu’il peut utiliser soit l’un, soit l’autre, parfois en séquentiel, et éventuellement les deux simultanément selon sa propre réponse constatée sur plusieurs crises.

« L’efficacité croisée n’existe pas, souligne le Pr Ducros, d’où l’essai de chacun des sept triptans en cas d’échec (un test sur trois crises avant de conclure à l’absence d’efficacité). Idem pour les AINS où il faut tester l’ibuprofène et le kétoprofène qui ont l’AMM en France, mais aussi le naproxène et le diclofénac ainsi que l’association acide acétylsalicylique-métoclopramide qui dispose d’une AMM dans le « traitement symptomatique de la crise de migraine et des troubles digestifs associés ».

Seconde solution en cas de crise, les dérivés ergotés qui, comme les triptans, en agissant sur les récepteurs 5 HT1B/D, inhibent l’inflammation neurogène et la vasodilatation supposées être à l’origine de la céphalée migraineuse. Si la panoplie des traitements de la migraine n’a pas varié, sa mise en lumière non plus et parler en 2016 de sous-diagnostic et sous-traitement reste vrai.

« L’écart se creuse entre la demande des patients qui va croissant, constate Anne Ducros, et l’offre de soin et le dynamisme d’une recherche dont les financements s’épuisent. La migraine reste affublée d’une connotation négative, stigmatisée. Néanmoins, un début de prise de conscience de son importance comme pathologie neurologique dans la population générale semble émerger ». Selon l’OMS, la migraine fait partie des vingt maladies qui ont le plus d’impact sur la qualité de vie et se place même au 6e rang lorsqu’on regarde le critère combiné « prévalence-impact chronique sur la qualité de vie » (6).

(1) Lancet Neurol. 2014 Sep;13(9):885-92

(2) Lancet Neurol. 2015 Nov;14(11):1081-90

(3) Lancet Neurol. 2015 Nov;14(11):1091-100.

(4) Lancet Neurol. 2016 Feb 12.

(5) Rev Neurol (Paris) 2013;169 (1): 14-29

(6) Lancet Volume 386, No. 9995, p743–800, 22 August 2015

Lætitia Vergnac

Source : Le Quotidien du médecin: 9478