Les négociations conventionnelles dans l'impasse

Les syndicats médicaux mettent la pression sur les caisses

Publié le 01/04/2003
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Les « bases » respectives des trois centrales représentatives des médecins spécialistes libéraux (CSMF, SML et FMF) ont rejeté unanimement l'accord transitoire de neuf mois qu'avaient proposé les caisses d'assurance-maladie avant la renégociation d'une convention.

Avant de passer définitivement la main au ministre Jean-François Mattei pour un éventuel règlement conventionnel minimal (RCM), la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et le Syndicat des médecins libéraux (SML) ont néanmoins formulé des contre-propositions au président de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), afin de donner « une dernière chance » au système conventionnel après dix mois de négociations infructueuses.
Les assemblées générales de la CSMF et du SML se sont prononcées à une large majorité en faveur d'un « contrat » ou « accord minimal transitoire », courant jusqu'à la fin de l'année et octroyant aux spécialistes de substantielles revalorisations tarifaires à court terme, après huit ans de blocage tarifaire. Ce contrat transitoire est considéré comme un pis-aller avant la réforme de l'assurance-maladie, et l'aboutissement des travaux sur la classification commune des actes médicaux (CCAM) techniques et cliniques, en 2004 et 2005. Mécontents de voir la CNAM négocier en aparté avec MG-France un avenant conventionnel pour les seuls généralistes (« le Quotidien » du 31 mars), la CSMF et le SML exigent que ce texte transitoire concerne l'ensemble des médecins libéraux.
Les deux syndicats demandent aussi à l'assurance-maladie de négocier ce texte en urgence, en « une dernière séance », souligne le SML, et « avant le 23 avril », indique la CSMF, qui convoque une nouvelle assemblée générale à cette date.
Sur le fond, les « exigences » de la CSMF sont extrêmement précises : la première centrale syndicale de médecins libéraux revendique « une revalorisation immédiate » de « 90 % des consultations spécialisées » à 26 euros (au lieu de 23), du CNPSY de 34,30 à 38 euros et des honoraires des anatomopathologistes, « dans le cadre du respect de l'ONDAM » (Objectif national des dépenses d'assurance-maladie). « Ces revalorisations correspondent à la masse financière mise sur la table le 10 janvier pour l'année 2003, avec un effet report sur 2004 », précise le Dr Michel Chassang, président de la CSMF.
Le SML est sur la même longueur d'ondes, mais s'abstient de tout chiffrage, laissant un peu de grain à moudre à la négociation.
Les deux syndicats mettent entre parenthèses la notion d' « espaces de liberté tarifaire », mais insistent pour que soit mieux définies les conditions d'utilisation du DE (dépassement d'honoraires pour exigence particulière du malade). Pour la CSMF, il s'agit même de définir les cas où le médecin serait autorisé à pratiquer un dépassement « au-delà du DE actuel », comme le mentionnait l'accord du 10 janvier.
En outre, la CSMF et le SML, ainsi qu'Alliance (voir encadré), réclament la concrétisation des acquis du 10 janvier, en particulier : la participation des caisses aux primes d'assurance (RCP) des spécialistes de secteur I, à hauteur des deux tiers pour les primes annuelles de plus de 1 000 euros, la revalorisation de 10 % de la lettre clé des chirurgiens (KCC), la rémunération des astreintes pour les spécialistes exerçant en clinique.

Intervention de l'Elysée ?

Après avoir claqué bruyamment la porte de la CNAM le 20 mars, cette nouvelle posture de la CSMF et du SML aurait été décidée après intervention de l'Elysée, dit-on de source bien informée. Cette dernière tentative répond aussi en écho aux récentes déclarations du ministre de la Santé, qui a refusé de parler d' « échec des négociations » et préfère encore s'en tenir à son rôle de « médiation ». « Entre l'étatisation et la privatisation, c'est la voie conventionnelle qui nous paraît la meilleure », avait souligné Jean-François Mattei la semaine dernière.
Malgré tout, les syndicats de médecins libéraux ont eu du mal à faire passer ce message auprès de leur base. Le Dr Michel Chassang ne cache pas qu'il a dû affronter une assemblée générale CSMF « difficile » et « tiraillée », en présence de membres des coordinations « prêts à torpiller » le système conventionnel. Le président du SML, le Dr Dinorino Cabrera, reconnaît aussi avoir subi « la colère froide » de ses délégués régionaux.
Dans ces conditions, les dernières contre-propositions syndicales sont très éloignées du système de consultations de « suivi coordonné » que la CSMF et le SML prônaient il y a encore deux semaines. Après « le refus des caisses de la hiérarchisation des consultations », le contrat proposé est, selon le Dr Chassang, « brut de décoffrage », car dépourvu de contenu médical. Le président de la CSMF assure que le contrat minimal transitoire « n'est pas un diktat », mais une « rustine qui permet à la barque conventionnelle de rester à flot ».

« Une paix armée »

Le président du SML avoue carrément que le contenu du texte proposé est « nul », à l'opposé d'un « accord gagnant-gagnant ». Pour autant, cet ersatz d'accord a le mérite, s'il est conclu, de concrétiser rapidement un certain nombre de mesures, alors que « les négociations d'un RCM en interministériel durent en général entre un et deux mois », fait valoir le Dr Cabrera. Ainsi, il peut permettre d'obtenir « une paix armée » et de « circonscrire les incendies sur le terrain ».
Si le SML se refuse pour l'instant à « relancer les hostilités » par des actions en tout genre, d'autres organisations syndicales se montrent plus offensives. L'UMESPE, la branche spécialiste de la CSMF, appelle l'ensemble des médecins spécialistes à suivre ses mots d'ordre : « utilisation du DE dans le cadre légal, grève de la télétransmission et arrêt de toute coopération administrative. » Quant à la Fédération des médecins de France (FMF), elle réitère sa demande de « secteur unique conventionnel » autorisant la liberté tarifaire sur une fraction d'activité, et appelle les médecins à manifester contre le « harcèlement » des caisses en matière de sanctions, le 9 avril à Pau et Nantes, puis le 17 avril à Valence.

Agnès BOURGUIGNON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7307