CONGRES HEBDO
Dès lors que l'incontinence anale est détectée grâce à un interrogatoire minutieux et à un bon examen clinique, c'est au spécialiste de prendre en charge le bilan. Après avoir éliminé une lésion organique par une coloscopie, il s'oriente vers des examens spécialisés pour identifier le mécanisme et la cause de l'incontinence.
La rééducation tient une place importante
En cas d'incontinence anale peu sévère, un régime adapté associé à des traitements médicaux simples (visant à faciliter l'exonération ou parfois à ralentir le transit) peuvent résoudre un certain nombre de situations. Une rééducation est néanmoins nécessaire. Elle est toujours précédée d'une manométrie ano-rectale qui permet de mieux la guider. « En outre, remarque le Pr Paul-Antoine Lehur, clinique chirurgicale II, Hôtel-Dieu, Nantes, cette rééducation, essentiellement fondée sur les techniques de bio-feed-back, requiert un rééducateur expérimenté dans la prise en charge des troubles de la statique pelvienne et de l'incontinence, en précisant bien qu'il s'agit d'une incontinence anale et non urinaire. »
Lorsque l'incontinence anale est considérée d'emblée comme sévère, ou lorsque les mesures précédentes se révèlent insuffisantes, la prise en charge s'oriente vers les centres experts et le recours à des examens spécialisés, dont l'échographie endo-anale en premier lieu. Elle permet d'identifier une rupture sphinctérienne qui peut nécessiter une réparation locale (si la rupture est unique et inférieure à 180°). « Malheureusement, commente le Pr Lehur, les bons résultats initiaux (80 % à un an) de ces réparations locales se dégradent avec le temps (50 % à cinq ans). C'est pourquoi il est important d'insister sur l'intérêt de la rééducation, un traitement non invasif auquel il est possible d'avoir recours tant avant qu'après un traitement chirurgical. »
De nombreuses techniques chirurgicales se sont développées dans les centres experts pour tenter d'apporter une solution aux nombreux cas où la réparation locale n'est pas possible, notamment lorsque la cause est neuropathique.
Les progrès de la chirurgie
On considère actuellement que la graciloplastie dynamisée (remplacement sphinctérien par une transposition musculaire), n'offre que des résultats moyens avec une morbidité élevée. D'où l'abandon progressif de cette technique en France, au profit de l'implantation d'un sphincter anal artificiel. Il s'agit d'une prothèse totalement implantable en élastomère de silicone (Acticon) que le patient peut ouvrir grâce à une pompe de contrôle et qui permet une fonction sphinctérienne proche de la normale. Une technique prometteuse qui reste néanmoins invasive, avec le risque de complications infectieuses ou de défaillance du matériel implanté.
Autre technique, la neuromodulation des racines sacrées repose sur le concept de stimulation chronique des racines à destinée périnéale. Cette méthode bénéficie, avant mise en place définitive du matériel, d'une possibilité de test par stimulation transitoire, externe, de la racine sacrée S3. En cas de résultat positif, l'implantation d'un stimulateur définitif est réalisée. Cette technique, peu invasive mais onéreuse, fait l'objet d'un essai national évaluant son rapport coût-efficacité.
Parmi les voies de recherche actuelles, la technique de radiofréquence, dite Secca, consiste à réaliser une électrocoagulation très limitée à plusieurs étages du canal anal. D'autres techniques empruntées aux urologues voient le jour avec notamment l'injection de microbilles dans la sous-muqueuse du canal anal pour tenter de mieux le conformer. Des techniques en cours d'évaluation qui s'adressent aux incontinences anales peu sévères et qui, remarque le Pr Lehur, « démontrent le dynamisme de la recherche clinique dans la prise en charge du handicap lié aux troubles de la continence anale ».
D'après un entretien avec le Pr Paul-Antoine Lehur, clinique chirurgicale II, Hôtel-Dieu, Nantes.
Des scores cliniques et de qualité de vie
La mise au point de scores cliniques a permis de distinguer des degrés de sévérité et par là même de mieux orienter la prise en charge : médicale et rééducative pour les incontinences peu sévères ; bilan clinique et explorations fonctionnelles pour les incontinences plus sévères, afin de préciser la situation pour un choix thérapeutique adapté.
Des scores de qualité de vie sont également développés, notamment aux Etats-Unis et en France, compte tenu du retentissement important de ce handicap sur la qualité de vie des patients. Ils permettent de mieux évaluer le bénéfice des traitements modernes dans le cadre de cette pathologie fonctionnelle.
La stimulation des racines sacrées dans l'incontinence sévère
Une équipe rouennaise (Leroi A. M. et coll.) a évalué le résultat du test temporaire de stimulation des racines sacrées chez 25 patients (19 hommes et 6 femmes). Tous présentaient une incontinence fécale sévère (au moins un accident par semaine et/ou besoins impérieux) réfractaires aux traitements conventionnels. Ce test a été positif chez 13 d'entre eux (diminution d'au moins 50 % du nombre d'épisodes d'incontinence et/ou de besoins impérieux) et 12 ont été implantés (une patiente a refusé). Deux d'entre eux n'ont pas retrouvé les résultats dont ils avaient bénéficié lors du test. Parmi les 10 autres, 7 ont pu être suivis pendant un an. Les résultats sont satisfaisants avec une amélioration significative du nombre d'épisodes d'incontinence et du temps de retenue des matières. Les paramètres manométriques sont, en revanche, restés inchangés.
Le stimulateur a dû être explanté chez 3 patients (pour des douleurs dans deux cas, pour une infection dans le troisième).
Pour les auteurs, ces résultats font de la stimulation sacrée une solution thérapeutique intéressante à proposer aux patients souffrant d'incontinence fécale sévère.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature