Sevrage des benzodiazépines

L’intérêt démontré de la cure thermale

Publié le 22/04/2013
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Crédit photo : PHANIE

Le contexte

Le problème de la consommation des anxiolytiques en France est un problème bien connu et bien identifié depuis de nombreuses années. En effet, il y a environ 20 % de consommateurs occasionnels de BZD en France et 10 % d’usagers réguliers, soit environ 6 millions de consommateurs réguliers.

En France, 50 habitants sur 1 000 consomment quotidiennement ces médicaments.

La France était en 2009 le 2e pays européen le plus consommateur d’anxiolytiques et d’hypnotiques. 20 % des prescriptions de médecins généralistes comportent des BZD, ce qui représente 90 % de l’ensemble des prescriptions de BZD.

Les risques évalués et bien connus avec les BZD sont une altération de l’état de conscience, une baisse des capacités de conduite automobile, un risque de dépendance psychique et physique, de syndrome de sevrage à l’arrêt et une tendance à un usage abusif, voire détourné. Plusieurs études ont récemment formulé un possible lien avec une détérioration cérébrale.

Pourquoi la médecine thermale ?

La médecine thermale a fait la preuve de son efficacité dans le cadre d’une étude comparative (STOP TAG 2 010) entre trois semaines de cure thermale et paroxétine. Les résultats, encadrés par deux unités INSERM de psychiatrie et de santé publique, ont montré une supériorité de 44 % de la cure thermale à deux mois comparativement à deux mois de paroxétine. Le suivi des patients pendant 6 mois a mis en évidence l’action durable du traitement par crénothérapie.

Cette étude* a servi de base à l’hypothèse d’adjoindre à une cure thermale un protocole d’éducation thérapeutique pour réaliser un sevrage d’anxiolytiques.

Méthode de l’étude SPECTh

L’objectif était de proposer aux patients consommateurs chroniques de benzodiazépines, en échec préalable de tentatives d’arrêt thérapeutique et motivés pour le faire, de tenter de les arrêter au cours d’une cure thermale, la cure servant ici de traitement substitutif aux anxiolytiques. La cure pouvait également servir de lieu et de moyen thérapeutique.

Le protocole d’éducation thérapeutique mis en place a été validé par un groupe d’experts. 4 des 5 stations thermales à orientation psychiatrique (stations thermales de Bagnères de Bigorre, Néris les Bains, Saujon et Ussat les Bains) l’ont proposé pour des groupes de 6 à 12 patients présentant un trouble anxieux avec consommation stable et chronique (› 3 mois) de médicaments anxiolytiques. 9 heures d’ateliers psychoéducatifs, 4 heures de relaxation, 2 entretiens individuels de type TCC avec entretien motivationnel et au minimum 3 consultations médicales ont été assurés. Les 4 équipes thermales ont été formées et un kit servait de modèle à l’ensemble des programmes. Par la suite, 5 entretiens téléphoniques en post cure étalés sur 6 mois ont été assurés.

Cette étude, nommée SPECTh (Sevrage de Psychotropes par Education psychothérapique en Cure Thermale), s’est déroulée en 2010 et 2011 a consisté en un suivi de cohorte, prospectif, multicentrique sur 6 mois. Le critère de jugement primaire était l’évaluation de la consommation de benzodiazépines 6 mois après la fin de la cure, comparativement à la consommation initiale. L’analyse des résultats a été assurée par l’unité INSERM de l’ISPED de Bordeaux II.

70 patients ont été inclus dans cette étude. L’âge moyen des patients était de 54 ans. 98 % des patients consommaient quotidiennement entre 1 et 3 molécules différentes d’anxiolytique. 80 % de ces anxiolytiques étaient prescrits depuis au moins 3 ans.

Résultats

À la fin de la prise en charge, près de 43 % des patients avaient arrêté définitivement toute consommation de BZD aux 3e et 6e mois. En moyenne, 77 % des médicaments anxiolytiques prescrits en début de prise en charge et 71 % des hypnotiques ont été arrêtés à 6 mois contre 16 % qui les ont conservés et/ou augmenté.

Les caractéristiques qui sont apparues corrélées à l’arrêt des BZD sont le caractère masculin, l’existence d’un emploi ou encore l’usage régulier d’un faible nombre de molécules différentes.

Les patients, qui ont arrêté leurs BZD exprimaient une plus nette réduction du sentiment de dépendance médicamenteuse (échelle ECAB) et une nette réduction de l’état anxieux et dépressif (- 50 % échelle HAD et - 58 % échelle de Beck).

Malgré la réduction des hypnotiques, le sommeil était globalement amélioré.

En conclusion

L’étude SPECTh a permis d’obtenir de manière durable à partir du 3e mois, l’arrêt des BZD pour 43 % des patients du protocole avec tendance à l’amélioration des symptômes anxiodépressifs, des troubles du sommeil et la réduction du sentiment de dépendance aux médicaments.

Cette étude qui présente des limites (petite taille de l’échantillon, absence de comparateur) offre une proposition originale et, semble-t-il efficace, pour réduire ce problème de santé publique qui touche plusieurs millions de français et pour lequel il n’existe pas de solution pragmatique évidente.

Il ne faut pas négliger l’importance de la motivation des patients et celle du médecin nécessaire à la bonne réalisation d’une telle prise en charge, notamment pour le maintien du sevrage dans les suites de la cure.

Pr P. Gorwood, Pr JP. Olié, Pr JP. Lépine, Dr A. Galinowski, Mr T. Hergueta, Pr R. Salamon, Dr O. Dubois, Dr S. Maurice-Tison

*Dubois O, et al. ; Balneotherapy versus paroxétine in the treatment of generalized anxiety disorder, Complementary Therapies in Medicine (fév 2 010) 18, 1—7

Dr OLIVIER DUBOIS, psychiatre, Saujon

Source : Le Quotidien du Médecin: 9236