Os tumoral

L’intérêt des bisphosphonates et du dénosumab est à évaluer au cas par cas

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Publié le 07/04/2016
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Os tumoral

Os tumoral
Crédit photo : PHANIE

Si la capacité des bisphosphonates à prévenir les événements osseux dans le cancer du sein métastatique est connue, rien n’était tranché dans les formes non métastatiques jusqu’à la méta-analyse (1) réalisée par l’Early Breast Cancer Trialists Collaborative Group (EBCTCG) qui a évalué dans ce cadre l’impact des bisphosphonates sur le risque de métastases osseuses et la survie globale. Le rationnel de cette évaluation était que des facteurs de croissance seraient libérés par la résorption osseuse, favorisant la progression du cancer et des métastases… Les données de 26 études randomisées (bisphosphonates versus placebo) impliquant 18 766 patientes, avec un suivi médian de 3 à 4 ans ont été colligées. Un effet favorable des bisphosphonates sur la réponse du cancer du sein, la récurrence osseuse et la survie globale a été retrouvé en population globale mais à la limite de la significativité. En revanche l'effet des bisphosphonates a été très significatif sur la réduction du risque de métastases osseuse (RR : 0,72 ; p = 0,0002) et l’amélioration de la survie globale (0,82 ; p = 0,002) dans le sous-groupe des femmes ménopausées. « Cette étude souligne l’importance du niveau de remodelage osseux dans l’effet des bisphosphonates. L’effet systémique bénéfique chez les femmes ménopausées est lié possiblement au fait qu’ils freinent le relargage de facteurs de croissance stockés dans le tissu osseux », explique le Dr Funck-Brentano.
Toutefois il a été montré (2) que les bisphosphonates ne protègent pas de la survenue d’un cancer du sein à la ménopause !

Quid du dénosumab ? L’étude randomisée contrôlée contre placebo (3) [1 700 patientes par groupe, suivi de 72 mois], en adjuvant du cancer du sein chez les femmes ménopausées sous anti-aromatases montre aux doses « ostéoporose » (60 mg tous les 6 mois) un effet antifracturaire du dénosumab (réduction de moitié du nombre de fractures au cours du suivi, HR : 0,5). Une étude en cours (D-CARE) évalue l’impact pronostique du dénosumab (dose « oncologie ») dans le cancer du sein non métastatique (120 mg/mois les 6 premiers mois puis tous les 3 mois). Réponse attendue en 2022.

Dans les cancers de la prostate hormonorésistants


Dans le cancer de la prostate métastatique, les bisphosphonates ne réduisent les événements osseux (- 36 %) que si le cancer est hormonorésistant. Ils n’ont pas eu d’effet dans les cancers hormonosensibles dans une étude randomisée acide zolédronique vs placebo. « La castration contrôle le cancer et les métastases. L’acide zolédronique n’apporte pas de bénéfice supplémentaire pour un risque qui n’est pas nul », résume le Dr Funck-Brentano.
Dans les cancers de la prostate localisés à haut risque de métastase, Wirth et al. (4) ont montré qu’une faible dose d’acide zolédronique (4 mg tous les 3 mois vs placebo), ne permet pas de réduire les métastases osseuses ou d’améliorer la survie.

Améliorer la tolérance à long terme


L’ostéonécrose de la mâchoire survient chez 5,4 à 8,2 % des patients sous dénosumab. C‘est ce que montre Stopeck et al (5) en rassemblant les études de phase 3 dans les cancers métastatiques du sein et de la prostate après 3 ans d’acide zolédronique (4 mg/4 semaines) suivis de 2 ans de dénosumab ou 5 ans de dénosumab (120 mg/4 semaines).
Dans le cancer du sein métastatique, une revue systématique (6) reprenant différents traitements (pamidronate, acide zolédronique, dénosumab) suggère qu’espacer les injections à 12 semaines est aussi efficace qu’à 4, sans différence sur la survenue d’effets indésirables. « Les limites de ces études sont le faible effectif et un suivi trop court (516 patients, suivi de 1 ou 2 ans), mais c’est un point crucial à étudier pour l’avenir ! » explique le Dr Funck-Brentano.

Tumeurs à cellules géantes : la chirurgie en première intention

 
La tumeur à cellules géantes (TCG) est un diagnostic fréquent devant une ostéolyse chez un sujet jeune, au pronostic fonctionnel parfois sévère. Les cellules stromales tumorales expriment fortement le RANKL et activent les ostéoclastes et leurs précurseurs. « Si le dénosumab a démontré sa capacité à diminuer le volume tumoral, la chirurgie reste le 1er traitement de la TCG, rappelle le Dr Funck-Brentano. Le dénosumab se discute en néoadjuvant ou lorsque la tumeur est inopérable ». Un case report (7) d’une récidive dans le mois suivant l’arrêt du dénosumab pour une TCG du poignet traitée par dénosumab pendant 3 ans souligne l’effet rebond du denosumab à l’arrêt. Outre les problèmes de tolérance, des cas de transformation en sarcome ont été rapportés sous dénosumab. Une étude (8) montre que le dénosumab favorise la formation de contingents osseux au sein de la tumeur qui peuvent à tort être pris pour une transformation maligne. « Si l’imputabilité du dénosumab dans cette transformation n’est pas certaine, son utilisation ne doit pas être prévue au long cours dans la mesure du possible », rappelle le Dr Funck-Brentano.

D'après un entretien avec le Dr Thomas Funck-Brentano, Hôpital Lariboisière, Paris.

(1) Coleman R. et al., Lancet 2015;386:1353-61


(2) Hue TF. et al., Jama Intern. Med. 2014;174:1550-7


(3) Gnant M. et al., Lancet 2015;386:433-43


(4) Wirth M et al., Europ. Urol. 2014;67:482-91


(5) Stopeck A.T. et al., Support Care Cancer 2016;24:447-55


(6) Ibrahim MFK et al., Ann. Oncol. 2015;26:2205-13


(7) Matcuk GR. et al. Steeletal Radiol. 2015;44:1027-31


(8) Wojcik J. et al. Am. J. Surg. Pathol. 2016;40 :72-80

 

Dr Sophie Parienté

Source : Bilan Spécialiste