LA MISE AU POINT du RU 486 par le Pr Etienne-Emile Beaulieu dans le début des années 1980 est un tournant majeur dans l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Cette antiprogestérone aux propriétés abortives fait parti du protocole d’IVG médicamenteuse, méthode de plus en plus privilégiée et qui concerne actuellement plus d’une IVG sur deux. Mais en bénéficier n’est pas toujours possible. Plus la grossesse est avancée, plus les méthodes d’interruption sont restreintes. Jusqu’à 7 semaines d’aménorrhée, l’IVG médicamenteuse peut être réalisée par un gynécologue libéral ou un médecin généraliste, ou un médecin d’un centre de planification et d’éducation familiale. Entre 7 et 9 SA, elle ne peut être pratiquée qu’en établissement de soins. Au-delà et jusqu’à 14 SA, la méthode chirurgicale est la seule autorisée.
Une méconnaissance de la méthode par les médecins libéraux.
« La prise de médicaments abortifs en dehors d’un établissement de soins est autorisée depuis 2004 mais peu de praticiens libéraux font des IVG médicamenteuses »,explique le Dr Corine Rebelle. Pourtant, cela pourrait rendre service à bon nombre d’entre elles car dans certaines régions, les établissements de soins sont saturés et ne peuvent accéder à une demande d’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans les délais prévus par la loi. Une IVG médicamenteuse sur 5 est réalisée hors établissement. C’est peu et probablement lié à la méconnaissance de la procédure à suivre en ville. Pourtant, des recommandations de la HAS ont été publiées en 2010 (2). Les étapes à respecter sont bien codifiées.
Quatre ou cinq consultations.
Il y a deux consultations médicales préalables.
La première consultation (C1) permet de confirmer puis de dater le début de la grossesse, si possible par échographie. D’où la nécessité de travailler avec un cabinet de radiologie qui reçoit les patientes rapidement. Le médecin informe les patientes sur les différentes procédures. Il lui remet un dossier guide détaillant les alternatives possibles, les risques éventuels, les organismes susceptibles d’apporter une aide morale et matérielle. Le groupage sanguin ABO-D est systématique. La prévention de l’incompatibilité Rhésus est indispensable chez toutes les femmes Rhésus négatif. La HAS stipule que « l’injection d’immunoglobulines doit être faite au plus tard dans les 72 heures qui suivent les saignements. En cas D’IVG médicamenteuse à domicile, elle préconise de la faire lors de la prise de mifépristone ». Un entretien psycho-social est obligatoire pour les mineures. Cette première consultation marque le départ du délai de réflexion qui est d’une semaine.
La deuxième consultation (C2) est programmée légalement au moins 7 jours après. Le consentement écrit est recueilli et, selon le contexte clinique, un dépistage des infections sexuelles transmissibles et du cancer du col utérin par frottis cervico-vaginal est proposé. Date est prise pour la réalisation de l’IVG médicamenteuse. La méthode est simple. Elle consiste à prendre deux médicaments différents à 36 ou 48 heures d’intervalle. Le premier est une antiprogestérone, le mifépristone (RU 486) qui prépare le col. Le 2e est une prostaglandine (misoprostol) qui permet l’expulsion. Sur le plan pratique, une courte formation, tant médicale qu’administrative (lire encadré) est obligatoire pour le médecin généraliste.
C’est à la troisième consultation (C3) que la mifépristone est prise par la patiente au cabinet, en présence du médecin. En fin de visite, elle repart avec une feuille de liaison, à utiliser en cas de besoin, pour le centre de soins référent, une fiche de conseils sur les suites normales de l’IVG et un numéro de téléphone à appeler en cas d’urgence. « Je remets une ordonnance d’antalgiques de palier 2 à prendre en cas de besoin après chaque prise médicamenteuse », poursuit ce médecin. Une contraception est prescrite. Une contraception est prescrite. Elle démarre le jour de la prise de prostaglandines 36 à 48 heures plus tard, à la 4e consultation (C4). « Je propose systématiquement aux patientes de les revoir pour la prise de misoprostol. Je pense que cela les rassure. De plus, elles viennent au cabinet avec leur accompagnant, lequel entend les effets secondaires possibles de cet acte médical », explique le Dr Corine Rebelle. Pour d’autres médecins, avec le recul de cette pratique, cette 4e consultation ne semble n’est plus indispensable car ils se sont aperçus qu’il est plus confortable pour la patiente de prendre le misoprostol chez elle.
Dans 60 % des cas, l’avortement (l’expulsion de l’œuf) se produit dans les 4 heures suivant la prise de ce médicament. Une surveillance au cabinet médical après la prise du médicament risque de la faire expulser sur le chemin du retour. Quand le misoprostol est pris à domicile, le médicament est remis à C3 et est ingéré 36 à 48 heures plus tard au domicile. Ce jour-là, la patiente ne doit pas être seule chez elle et se trouver à moins d’une heure du centre de soins référent. Elle dispose d’un accès téléphonique pour pouvoir joindre le médecin qui la prend en charge. Les contractions utérines provoquent des douleurs semblables à celles des règles.
La dernière consultation est la visite de contrôle (C5). L’efficacité de la méthode est contrôlée entre le 14e et le 21e jour. « La description de l’expulsion est un bon indicateur de réussite », analyse ce médecin expérimenté. On peut s’appuyer sur la chute des bêta-HCG si on dispose d’un dosage de référence. Un contrôle échographique est possible mais l’interprétation est parfois difficile pour les radiologues non expérimentés. Une déclaration de fin de procédure est envoyée au centre de soins référent.
Le forfait du médecin libéral comprend les consultations C2 à C5 et l’achat des médicaments (mifépristone et misoprostol) par le médecin. Si la procédure est bien respectée, notamment la visite de contrôle, le succès de la méthode médicamenteuse est estimé entre 95 et 98 %.
Réunion organisée avec le soutien institutionnel des Laboratoires Nordic Pharma
(1) Médecin généraliste attachée à la maternité de l’hôpital de la Croix-Rousse, Lyon
(2) Recommandations de bonne pratique « Interruption volontaire de grossesse par méthode médicamenteuse » HAS, décembre 2010
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