Maladies génétiques graves : diagnostic prénatal ou diagnostic préimplantatoire ?

Publié le 01/04/2003
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De notre correspondante

L'annonce d'un test génétique positif pour une maladie grave est toujours lourde de conséquences pour l'avenir de celui qui est porteur du gène de la maladie et pour son entourage. Elle bouleverse la vie et les relations familiales et interdit les projets. Cela justifie, aux yeux de beaucoup de gens, le désir de ne pas savoir, notamment lorsqu'il s'agit d'une maladie à début tardif comme la maladie de Huntington (entre 30 et 40 ans).

Une étude* a été réalisée sur près de 800 personnes demandant un test génétique pour cette affection. Seulement 55 % vont jusqu'à la prise de sang et à la communication du résultat. Le fait que le test présymptomatique existe ne justifie pas automatiquement son utilisation et le candidat est libre de ne pas savoir. Mais le sujet doit évaluer les avantages et les inconvénients du test grâce à une réflexion menée avec l'aide de soignants d'une structure multidisciplinaire.
Néanmoins, le test génétique présymptomatique est un prérequis au diagnostic prénatal. Mais, malgré leur désir d'enfant, beaucoup de couples demandant un test présymptomatique en vue d'un DPN ne vont pas non plus jusqu'au bout : ils préfèrent ignorer leur statut et refusent la grossesse ou prennent le risque de transmission de la maladie.
Il existe une alternative au test présymptomatique ; c'est le test d'exclusion, pratiqué dans les pays anglo-saxons. Il permet d'exclure la transmission d'un allèle au fœtus par le grand-parent porteur, sans dévoiler le statut génétique du parent à risque. Lorsque le grand-parent est porteur d'un allèle, on pratique une interruption de grossesse, tout en sachant que 50 % des fœtus sont indemnes de la maladie.
La possibilité d'un DPI et l'option du test d'exclusion relancent le débat, d'autant que la maladie de Huntington n'est pas la seule maladie à révélation tardive. Il y a aussi la maladie de Steinert, les ataxies cérébelleuses autosomiques dominantes, certaines myopathies des ceintures.

Eviter les IMG à répétition

Pratiqué actuellement par trois équipes à Strasbourg, Paris et Montpellier, le DPI est la seule réponse que la médecine ait pu donner aux couples qui ne peuvent se résoudre à l'IMG (interruption médicale de grossesse) à répétition.
Le DPI est défini par la loi : « Le diagnostic biologique effectué à partir de cellules prélevées sur l'embryon in vitro et il est envisagé par le couple, qui du fait de sa situation familiale, a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d'une maladie génétique reconnue comme incurable au moment du diagnostic. » On retrouve ici les termes exacts qui régissent le diagnostic prénatal : les indications de DPI sont aussi celles de DPN.
Si le DPN est une redoutable épreuve, le DPI en est une plus sérieuse encore. Après fécondation in vitro, une ou deux cellules sont prélevées au 3e jour pour tenter d'identifier très rapidement les embryons atteints. Seulement ceux qui sont indemnes seront transférés. Il n'est pas possible de congeler les embryons non transférés, car le prélèvement les a fragilisés. Ce qui implique de recommencer un cycle de DPI à chaque tentative de FIV.
Plusieurs problèmes se posent. La FIV a une efficacité limitée et seulement 20 % environ des grossesses aboutissent tandis que les grossesses multiples sont fréquentes. L'innocuité de cette pratique sur les enfants à naître n'est pas encore prouvée et la fiabilité du diagnostic réalisé sur une ou deux cellules n'est pas la même que lors du DPN.

Une consultation en trinôme

« Dans le but de mieux informer les couples demandeurs d'évaluer le bien-fondé de leur demande et la faisabilité du test, explique Arnold Munnich, mais aussi pour dissiper les malentendus et prévenir l'amalgame avec le clonage humain, nous avons mis sur pied, René Frydman et moi, une consultation en trinôme : gynécologue, généticien et spécialiste de la reproduction. Dans près de la moitié des cas, nous sommes en présence de demandes de DPI tout à fait recevables et mûrement réfléchies par des couples déjà durement éprouvés. Surtout, il existe une stérilité qui rend la FIV nécessaire. C'est le cas de la mucoviscidose qui est une des principales causes de stérilité masculine. » Outre la carence d'information, les couples souffrent de l'absence d'écoute et d'accompagnement. Enfin, le développement des techniques combinant PMA et DPI peut, si on n'y prend garde, dériver vers une tentation d'eugénisme et la sélection d'individus non conformes.
Pour toutes ces raisons, le DPI doit être réservé à un nombre très restreint de centres maîtrisant la technique, et surtout pourvus d'une solide expérience en matière de conseil génétique et de diagnostic prénatal.

Séminaire Jean-Royer, d'après les interventions de A. Durr, A. Munnich et A. Fischer.

Dr Michèle FAUSSIER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7307