Les discussions pour la signature d'un nouvel accord-cadre entre l'industrie pharmaceutique, représentée par le LEEM (Les Entreprises du Médicament), et le comité économique des produits de santé, représentant du gouvernement, se révèlent, semble-t-il, plus difficiles que prévu. La première phase de ces négociations, qui a commencé en février, vient seulement de s'achever par la rédaction du projet proposé par le comité aux industriels. Des propositions qui ne devraient pas réellement les satisfaire.
L'un des points importants de cet accord concerne la mise en application de la disposition prévue par la loi de financement de la Sécurité sociale 2003 et qui permet à l'industrie pharmaceutique de bénéficier d'une certaine liberté des prix pour ses médicaments innovants. Un dispositif intitulé « dépôt de prix », pour bien signifier que les laboratoires concernés pourront proposer à l'autorité les prix qu'ils désirent appliquer. Une revendication de longue date de l'industrie pharmaceutique avait ainsi été satisfaite par Jean-François Mattei lors de la discussion de cette loi de financement. Reste à la mettre en vigueur. Ce qui devait être fait dans le cadre des discussions de cet accord-cadre.
Il est clair que les discussions ont été animées sur ce sujet, les uns et les autres n'étant pas tout à fait sur la même longueur d'ondes. En effet, tandis que les propositions du comité encadrent strictement l'application de cette liberté, les industriels militent pour la mise en place d'une procédure de dépôt de prix « qui ne soit pas vidée de son sens par un dédale d'exclusions, exceptions ou conditions et qui permette l'accès effectif des patients à l'innovation, à l'instar des autres pays européens ». Or, des exceptions, le comité en prévoit.
Il suggère en effet de réserver la liberté des prix aux entreprises qui signeront une convention avec le comité économique et aux médicaments vraiment innovants, c'est-à-dire à ceux auxquels la commission de la Transparence (chargée en particulier de l'évaluation des médicaments) aura délivré le critère d'amélioration de service médical rendu (ASMR) de niveau I ou II, c'est-à-dire les médicaments reconnus comme très innovants. Ceux de l'étage inférieur, c'est-à-dire qui auront reçu une ASMR de niveau III, pourront certes bénéficier de ce dépôt de prix, mais à condition que leur chiffre d'affaires prévu à leur troisième année de commercialisation ne dépasse pas 25 millions d'euros, qu'ils ne fassent pas l'objet, dans leur AMM, d'une clause de prescription restreinte, enfin que la commission d'AMM n'ait pas demandé une étude de suivi pour ces médicaments lors de leur mise sur le marché. Mais ce n'est pas tout.
D'autres conditions doivent être remplies par les entreprises qui commercialisent ces médicaments, et cela quel que soit le niveau d'ASMR des nouvelles spécialités. En particulier, elles ne devront en aucune façon avoir commis, au cours des cinq années précédant le dépôt de prix, des infractions à la la loi sur la concurrence, sur la publicité, et à la loi anticadeaux qui régit les relations que peuvent avoir les laboratoires avec les médecins prescripteurs.
Volumes de ventes
Or, même si la majorité des entreprises pharmaceutiques n'ont jamais été épinglées au titre de ces législations, d'autres et non des moindres ont eu parfois, notamment en matière de publicité, à subir les reproches ou les foudres de l'administration, ce qui les exclura automatiquement du bénéfice de cette procédure. C'est bien ce qui inquiète aujourd'hui un certain nombre de multinationales.
Si elles remplissent toutes ces conditions, les entreprises pourront donc « déposer un prix » pour leurs médicaments innovants, en cohérence avec les prix pratiqués pour ces mêmes médicaments en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne, et le comité aura alors trois semaines pour accepter ou opposer (et motiver) un éventuel refus.
Mais l'entreprise n'en sera pas quitte pour autant : elle devra s'engager sur les volumes de ventes des produits innovants concernés par cette liberté des prix. En effet, précise le projet du comité, « au cas où les ventes dépasseraient les prévisions obligatoirement fournies dans le dossier de dépôt de prix pour les quatre premières années de commercialisation », l'entreprise devra s'engager à compenser financièrement « par des remises de baisses de prix les dépenses supplémentaires entraînées de ce fait pour l'assurance-maladie ». De même, le laboratoire devrait s'engager à financer toutes les études que pourrait lui demander le comité concernant le médicament en question.
Le comité veut en effet se doter de nouveaux outils pour mesurer l'efficacité des médicaments. C'est dans ce cadre qu'il préconise dans son projet, que des études, financées par l'industrie, soient menées sur les médicaments nouveaux d'ASMR I à III, pour analyser l'impact de ces médicaments sur les patients. Ces études qui seront placées sous la responsabilité de l'observatoire des prescriptions ou d'un comité scientifique spécifique lorsque cela se révèlera nécessaire. Des modalités qui n'enthousiasment guère l'industrie pharmaceutique, pour qui il ne faudrait pas que ce système crée « une exception française, discriminante par rapport à d'autres pays de l'Union européenne et assimilable à une nouvelle taxation ».
Remise par classe thérapeutique
S'agissant du système de régulation des dépenses de médicament, ce projet n'apporte guère de changement par rapport à la situation existante, en ce sens qu'il prévoit toujours un système de remise par classe thérapeutique (mais certains médicaments d'ASMR I à IV, ainsi que les médicaments orphelins et pédiatriques bénéficieraient d'exemptions) et des remises sur le chiffre d'affaires si l'objectif de dépenses fixé par la loi de financement de la Sécurité sociale est dépassé.
Enfin, le comité pourra demander, lorsque des médicaments seront prescrits dans « des quantités ou selon des modalités médicalement ou économiquement injustifiées », que des conventions particulières prévoient « l'engagement des entreprises concernées d'adapter leur publicité, la formation dispensée à cette occasion aux visiteurs médicaux et le matériel qui leur est confié, à la promotion du bon usage de ces médicaments ».
Reste, on l'aura compris, que bien des dispositions prévues par ce projet ne recueillent pas l'adhésion des industriels. La concertation n'est donc pas finie. Mais « nous restons confiants, dit-on au LEEM, dans le fait que la prise en compte de nos propositions permettra d'aboutir à une conclusion des discussions dans un délai raisonnable ». Dont acte.
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