« Pas de dépistage génétique systématique ! »

Publié le 11/04/2013
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Avec l’amélioration des techniques de diagnostic biomoléculaire, que peut-on attendre en terme de dépistage des malformations et des maladies d’origine génétique ? « L’infertilité ne justifie pas en elle-même de dépistage génétique, insiste le Pr Nelly Achour Frydman, biologiste de la Reproduction à l’hôpital Béclère (Clamart). L’infertilité n’est d’origine génétique que pour 10 % des couples consultant en AMP. L’analyse génétique n’est faite que sur signe d’appel, comme ce devrait être aussi le cas pour toute autre situation clinique ».

Des pratiques en évolution

« La confusion vient sans doute du fait que l’analyse du caryotype était quasi-systématique dans les débuts de l’ICSI. Aujourd’hui les choses ont beaucoup changé, puisque la technique peut être proposée en cas d’échec de FIV et pas en raison d’une infertilité masculine. De plus, même dans ce cadre-là, l’infertilité n’est génétique qu’en cas d’oligoazoospermie très sévère, à ‹0,5 million de spermatozoïdes par éjaculat. Le caryotype était demandé aussi chez la femme, car une étude avait montré qu’il existait plus de translocations et d’inversions du côté féminin en cas d’infertilité de couple avec oligospermie, l’hypothèse étant que le cumul des altérations d’un côté et de l’autre expliquerait l’infertilité de couple. » Aujourd’hui, le protocole d’ICSI n’est pas standardisé et peut varier selon les centres d’AMP. « Notre équipe est convaincue qu’il est préférable de cibler la population et prescrire l’examen à bon escient ».

Des points d’appel

Trois grands cadres se dégagent en AMP : infertilité masculine avec oligozoospermie sévère, infertilité féminine avec qualité ovarienne très altérée chez la femme jeune et survenue de fausses couches spontanées (FCS) à répétition. « En cas d’oligozoospermie, il y a 3 situations : (1) en cas d’atrésie bilatérale des canaux déférents découverte à l’échographie testiculaire, on recherche les principales mutations du gène CFTR de la mucoviscidose, puisque 80 % des hommes ayant une atrésie bilatérale en sont porteurs et que la maladie peut ne s’exprimer qu’au niveau du tractus génital masculin chez les patients hétérozygotes ou porteurs de mutations très frustes». S’il s’avère que l’homme est porteur, un dépistage est proposé à la femme. Si elle est hétérozygote également, un conseil génétique sera proposé au couple. (2) «Deuxième situation en cas d’azoospermie, il est recommandé de prescrire la réalisation d’un caryotype qui peut révéler un syndrome de Klinefelter 47XXY, nécessitant un conseil génétique». Si une biopsie testiculaire est envisagée, le risque de transmission est trop faible pour justifier un diagnostic prénatal.

(3) «La troisième situation est l’oligozoospermie sévère où le caryotype révèle des translocations entre 2 chromosomes, les plus touchés étant les chromosomes 13, 14, 15, 21 et 22. Il peut exister aussi des microdélétions du chromosome Y au niveau du locus AZF». Un conseil génétique est proposé dans les deux cas sachant que dans le cadre des microdélétions, si l’enfant est un garçon, il sera infertile lui aussi.

En cas d’infertilité féminine, une analyse génétique est demandée pour une qualité ovarienne discordante par rapport à l’âge, ce que l’on peut apparenter à une ménopause précoce. «On peut découvrir des pathologies liées à l’X, par exemple les patientes porteuses d’une prémutation pour l’X fragile, ou un syndrome de Turner en mosaïque, d’où un phénotype peu marqué et le diagnostic tardif ». Le dernier grand cadre correspond à un couple qui consulte pour des FCS à répétition. « On demande un caryotype au couple après 3 FCS. L’examen peut retrouver des remaniements équilibrés chez l’homme et/ou la femme ».

S’il existe un problème génétique à l’origine de l’infertilité, un conseil génétique est proposé. Selon les cas, les spécialistes peuvent être amenés à proposer un diagnostic prénatal (DPN) en cours de grossesse ou un diagnostic préimplantatoire (DPI). «Le DPI consiste à prélever deux cellules sur des embryons issus de FIV afin de poser un diagnostic génétique avant même le transfert in utero. Ilfaut avoir bien à l’esprit que le DPI est réservé à des couples ayant un risque de transmettre une maladie génétique, qu’ils soient fertiles ou infertiles».


Source : Le Quotidien du Médecin: 9233