Plan de prévention de la radicalisation : les professionnels de la santé concernés

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Publié le 23/02/2018
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Crédit photo : AFP

Le Premier ministre Édouard Philippe, accompagné notamment de la ministre de la Santé Agnès Buzyn, a dévoilé un plan national de prévention de la radicalisation, ce 23 février à Lille. Intitulé « prévenir pour protéger », il comprend 60 mesures pour « réorienter la politique de prévention ».

Cinq axes ont été identifiés : prémunir les esprits contre la radicalisation (grâce à l'école, la lutte sur Internet, le développement d'un contre-discours), compléter le maillage détection/prévention (sensibilisation des administrations, collectivités territoriales, du monde du sport, de l'entreprise, de la recherche), comprendre et anticiper l'évolution de la radicalisation (grâce à la recherche), professionnaliser les acteurs locaux et adapter le désengagement, ces deux derniers axes faisant appel aux acteurs de la santé.

L'implication et la mobilisation des professionnels de la santé mentale sont l'un des enjeux du 4e axe. Il s'agit « de renforcer la relation entre les agences régionales de santé (ARS) et les préfectures sur l'articulation santé mentale/prévention de la radicalisation, via des conventions cadres précisant le rôle de chacun, d'encourager la généralisation des bonnes pratiques dans les territoires, notamment celles relatives à l'appui apporté par les professionnels de santé mentale et de favoriser la présence de ces derniers aux côtés des référents de l'ARS, dans les cellules préfectorales, en fonction des besoins exprimés », lit-on.

Le gouvernement a marqué l'importance qu'il donne aux ARS en visitant ce 23 février celle du Nord-Pas-de-Calais. « J'ai échangé avec les professionnels de santé et tous ceux impliqués dans le champ social de la prévention de la radicalisation. Chacun peut et doit jouer un rôle sur ce sujet majeur » a tweeté la ministre de la Santé Agnès Buzyn.

Autre mesure : l'actualisation des dispositions existantes relatives à l'accès et la conservation des données sensibles contenues dans l'application de gestion des personnes faisant l'objet d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement (HOPSY). Ces derniers mois, plusieurs psychiatres ont exprimé leurs inquiétudes quant à la concomitance au sein de la préfecture (et donc le risque de croisement des données) des fiches concernant les personnes radicalisées, et de celles relatives aux personnes hospitalisées sous contrainte.

D'autres mesures sont destinées à structurer la formation des acteurs de la prévention de la radicalisation, et leur évaluation. Les sénatrices Esther Benbassa et Catherine Troendlé avaient dénoncé en février 2017 les dérives du « business de la déradicalisation ».

Suivi médico-psychologique pour les enfants de retour du Levant

Le Premier ministre a officiellement désavoué le terme de « déradicalisation ». « Nul ne dispose d'une formule magique, au sens où l'on pourrait "déprogrammer" un logiciel dangereux. Mais il existe en France et ailleurs, des bonnes pratiques de prévention et de désengagement », a déclaré Édouard Philippe.

Il a mis l'accent sur la nécessité « d'une prise en charge au long cours et notamment d'un suivi psychologique » et social des mineurs qui reviennent du Levant, pour « favoriser leur réinsertion ». Les ressources pédopsychiatriques seront mobilisées, sous le contrôle du juge des enfants, précise le dossier de presse. Le Premier ministre vient de signer la circulaire précisant le cadre et les modalités de leur prise en charge. 68 sont rentrés en France dont la quasi-totalité a moins de 13 ans, et les trois quarts moins de 8 ans, a ajouté Édouard Philippe.

Suivi pluridisciplinaire en prison

Enfin, une série de mesures concernant la refonte des conditions de détention des personnes radicalisées devraient impacter les équipes qui évaluent ou suivent les détenus radicalisés.

Sur près de 70 000 détenus en France en février, 512 personnes sont incarcérées pour des faits de terrorisme et 1 139 prisonniers de droit commun ont été identifiés comme « radicalisés ».

1 500 places seront créées « dans des quartiers étanches, exclusivement dévolus aux détenus radicalisés, dont 450 d'ici à la fin de l'année », a annoncé Édouard Philippe.

Les quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) passeront de trois à six. Les détenus y sont évalués pendant environ 4 mois par groupe de douze. À l’issue de cette période, ils ne seront plus placés en détention ordinaire : ils iront soit en quartier étanche, soit à l'isolement, soit dans des quartiers de prise en charge des personnes radicalisées (QPR). Un seul QPR existe, dans la prison de Lille-Annoeulin, mais deux autres vont être créés, à Vendin-le-Vieil et à Condé-sur-Sarthe.

Le plan acte également la création de trois nouveaux centres de prise en charge individualisée en milieu ouvert à Lille, Lyon, et Marseille, sur le modèle du dispositif Rive expérimenté en Ile-de-France, lui-même copie d'un centre danois. Y seront surtout accueillies les personnes sous contrôle judiciaire, « revenants » des zones de combat jihadistes en Syrie et en Irak.


Source : lequotidiendumedecin.fr