Pr Isabelle Sermet-Gaudelus : « À l’avenir, les traitements contre la mucoviscidose seront de plus en plus ciblés et personnalisés »

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Publié le 25/01/2019
Grand témoin

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Crédit photo : DR

« À l'avenir, les traitements contre la mucoviscidose seront de plus en plus ciblés et personnalisés. Aujourd'hui, nous avons déjà des thérapies protéiques dont le chef de file est l'ivacaftor (Kalydeco, laboratoire Vertex) et on explore aussi, en laboratoire, la piste de molécules visant à modifier l'ARN », explique la Pr Isabelle Sermet-Gaudelus, responsable du Centre de référence pédiatrique de la mucoviscidose et des affections liées à une anomalie de CFTR à l'hôpital Necker-enfants malades.

« Les thérapies protéiques modifient la structure ou la fonction d'une protéine qui est déficitaire ou non fonctionnelle car elle est mutée. Il existe plusieurs types de mutations : celles qui sont associées à une protéine formée mais qui ne fonctionnent pas, et celles associées à un déficit de formation de la protéine. Des essais « preuves de concept » ont montré que si on rétablissait la fonction de la protéine CFTR, on était susceptible d'améliorer l'état des patients notamment en restaurant la clairance mucocilliaire », explique la Pr Sermet-Gaudelus.

La figure de proue de ces traitements protéiques est bien sûr l'ivacaftor, dont le service médical rendu (SMR) a été jugé important en 2016 par la Haute Autorité de santé (HAS). Le médicament a obtenu son autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement des enfants atteints de mucoviscidose âgés de 2 ans et plus et pesant moins de 25 kg, porteurs de l'une des mutations de défaut de régulation (classe III) du gène CFTR suivantes : G551D, G1244E, G1349D, G178R, G551S, S1251N, S1255P, S549N ou S549R. « Son efficacité a été démontrée chez les enfants âgés de 6 ans et plus, porteurs de ces mutations, notamment en termes d'amélioration du VEMS à court et moyen termes », soulignait alors la HAS.

« On manque encore de recul pour véritablement apprécier l'effet de l'ivacaftor sur un éventuel recul de la mortalité mais, chez les patients répondeurs, on améliore la fonction respiratoire et on diminue les exacerbations bronchiques », indique la Pr Sermet-Gaudelus, en précisant que ce médicament n'est délivré qu'aux patients ayant les bonnes mutations. « En France, c'est environ une centaine de patients sur 7 000 mais on ne cesse d'élargir les mutations visées ».

En 2016, la HAS a également jugé important le SMR de Orkambi, une association thérapeutique destinée à des patients âgés de 12 ans et plus homozygotes pour la mutation F508del du gène CFTR. « L'efficacité de l'ivacaftor, associé au lumacaftor, a été démontrée à court terme (24 semaines) sur un critère de jugement intermédiaire (variation de la valeur absolue du VEMS). L'amélioration observée par rapport au placebo est modeste (3 à 4 % en fonction des études) », souligne la HAS.

« Mais ce traitement est susceptible d'améliorer certains patients de façon importante et reste sans aucun effet sur d'autres. Dans les essais, son effet sur l'amélioration de la fonction est de 3 à 5 %. Ce qui est significatif sur un plan statistique mais reste non relevant sur un plan clinique », indique la Pr Sermet-Gaudelus.

Il existe un espoir important dans les traitements visant à modifier l'ARN. « On explore aujourd'hui cette piste de l'ARN davantage que celle des gènes. Il y a deux ans s'est achevé un essai de thérapie génique qui n'a pas vraiment marché. L'idée est d'utiliser certaines techniques notamment CRISPR-Cas9 pour modifier l'ARN messager et enchaîner ensuite avec une thérapie cellulaire », indique la Pr Sermet-Gaudelus.

Entretien avec la Pr Isabelle Sermet-Gaudelus, responsable du Centre de référence de la mucoviscidose et des affections liées à une anomalie de CFTR à l’hôpital Necker-enfants malades (Paris).

Antoine Dalat

Source : lequotidiendumedecin.fr