Le ton adopté par le tenant des neurosciences dans le débat récent publié dans « Le Quotidien » (n° 9447 du 6 mai : « La psychanalyse a-t-elle encore sa place dans la psychiatrie du XXIe siècle ? » ) appelle de ma part une réponse courtoise et j’espère plus mesurée que celle de mon partenaire.
D’abord, les inexactitudes. Pour cela, je cite le rapport Inserm qui « invaliderait » selon mon interlocuteur la psychanalyse et les techniques qui en sont dérivées (méthodes psychodynamiques). Faute de place, tous les résultats positifs de ce rapport ne sont pas extraits ici. Je renvoie le lecteur curieux au texte lui-même. Deux exemples parmi de nombreux autres.
Les traitements psychodynamiques (psychanalytiques) longs n’ont débouché que très récemment sur des études en populations cliniques. En revanche, les thérapies psychodynamiques (psychanalytiques) brèves ont donné lieu à davantage d’études d’évaluation. Trois méta-analyses rapportent l’efficacité des psychothérapies brèves (sur des symptômes cibles, des symptômes généraux ou l’adaptation sociale) en comparaison avec un placebo (liste d’attente ou absence de traitement) pour un ensemble de troubles…
Une psychothérapie psychodynamique interpersonnelle (psychothérapie dérivée du modèle conversationnel de Hobson) a été évaluée (étude contrôlée non randomisée) dans un groupe de patients souffrant de troubles de la personnalité borderline en comparaison avec un groupe « traité comme d’habitude » (thérapie de soutien, intervention de crise, thérapie cognitive, pharmacothérapie)… Après une année, 30 % des patients traités par psychothérapie psychodynamique interpersonnelle ne présentaient plus les critères diagnostiques du DSM pour le trouble de la personnalité, alors que les patients du groupe contrôle n’avaient pas évolué. Cette amélioration s’est maintenue au suivi à 1 et 5 ans.
Des méta-études encourageantes
Depuis ce rapport, les méta-études concernant les psychanalyses de longue durée, plus complexes d’évaluation, on s’en doute, sont tout aussi encourageantes [1]. Il est prouvé que les traitements psychodynamiques de longue durée sont un traitement efficace des troubles mentaux complexes. Des recherches plus approfondies devraient porter sur les résultats des troubles mentaux spécifiques et inclure des analyses coût efficacité. Si beaucoup reste à faire dans ce complexe et délicat travail d’évaluation, on est loin de la caricature présentée, à la fois dans le travail de l’Inserm cité par M. Ramus, et dans ceux publiés depuis.
Enfin, dans ce droit de réponse, un mot de la question de la guérison. Bien sûr qu’elle est par surcroît pour la psychanalyse. Mais tout clinicien, ce que n’est pas mon interlocuteur, pratique ainsi, et surtout les généralistes ! Lequel d’entre nous, médecin, resterait le nez sur le symptôme, une migraine par exemple, sans s’intéresser à l’ensemble de l’être du patient ? Il faudra faire ce détour par la complexité du patient, et ses problèmes familiaux anciens ou récents, professionnels, souvent occultés lors des premières consultations (inconscients donc, pour aller vite !!) pour que s’aborde avec efficacité le symptôme, quand ce patient sera prêt, ce dont les cliniciens savent qu’ils ne disposent jamais. Pas de manipulation de l’autre, même sous prétexte de le « guérir ». Le dernier mot appartient au patient, dans le domaine psychique, quand il le décide, consciemment et inconsciemment. Pour la psychanalyse, la guérison appartient au patient. À l’analyste de seulement l’aider à en trouver les moyens. Comme souvent en médecine pour bien des troubles…
Que le débat, même passionné, mais serein reprenne la place à l’exclusion et l’excommunication serait souhaitable pour tout le monde, et singulièrement les institutions psychiatriques, en souffrance aussi, et peut-être surtout, de ces intolérantes « vérités » scientistes plus que scientifiques, qui restent bien seules et dépourvues, sans la psychanalyse, toute imparfaite soit-elle, quand il s’agit d’accompagner dans la réalité clinique les complexes transferts interpersonnels et institutionnels…
[1] Effectiveness of Long-term Psychodynamic Psychotherapy A Meta-analysis Falk Leichsenring, DSc; Sven Rabung, PhD JAMA. 2008;300(13):1551-1565. doi:10.1001/jama.300.13.1551
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