Des crises directement liées

Quand l’épilepsie se complique de psychose

Publié le 14/12/2017
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Le concept général de psychose épileptique (PE) signifie que l’épilepsie est à l’origine d’un trouble psychotique spécifique (2). Les épilepsies ont en commun la répétition spontanée de crises épileptiques. Il est donc logique de repérer les troubles psychotiques en fonction de leur chronologie de survenue par rapport aux crises et de distinguer : les psychoses ictales, où les symptômes psychotiques sont l’expression de la décharge épileptique ; les psychoses post-ictales (PPI), où ils suivent les crises ; les psychoses interictales, où ils n’ont pas de relation chronologique avec les crises. Nous nous limiterons ici aux PPI.

La prévalence des troubles psychotiques chez les personnes épileptiques est 3 à 4 fois plus fréquente que dans la population contrôle et les PPI représentent un quart des PE. Leur première description complète est l’œuvre de Jean-Pierre Falret en 1861 (3).

Une sémiologie protéiforme

Les PPI correspondent à l’apparition soudaine d’un état délirant aigu après une salve de crises épileptiques (4). Un intervalle libre, durant 12 heures à 120 heures, au cours duquel le sujet retrouve son état antérieur, précède l’émergence des symptômes psychotiques. Les crises peuvent passer inaperçues (par exemple : les crises nocturnes). Le syndrome psychotique est de début brutal et comporte une sémiologie protéiforme, associant, en proportions variables, des symptômes thymiques, des hallucinations et des idées délirantes, avec une conscience globalement préservée. Différents mécanismes, hallucinatoire, interprétatif, intuitif, coexistent, en proportion variable, pour alimenter l’état délirant. Les symptômes thymiques sont congruents, ou non, aux contenus délirants. Les hallucinations visuelles organisées en scènes terrifiantes sont évocatrices. Les thématiques délirantes religieuses sont classiques. Le risque de comportements dangereux, auto ou hétéro-agressifs, est élevé, et la plupart des complications médicolégales rencontrées dans l’épilepsie sont imputables à une PPI. Les épisodes sont de sémiologie variable d’un sujet à l’autre mais se répètent à l’identique chez un même sujet. L’évolution se fait vers la régression spontanée en une semaine en moyenne, avec ou sans traitement. La terminaison de l’épisode est brusque.

Facteurs de risque

Le syndrome psychotique complique une épilepsie focale réfractaire évoluant depuis plus de 10 ans, de localisation temporale dans plus de 80 % des cas. Les crises épileptiques des patients à risque comportent une sémiologie expérientielle et sont fréquemment secondairement généralisées. L’EEG enregistré lors de l’épisode psychotique ne diffère pas de l’EEG prépsychotique.

Quatre facteurs de risque principaux ont été identifiés : antécédents familiaux de troubles psychiatriques, anomalies interictales sur l’EEG, épilepsie d’origine encéphalitique, lésions temporales étendues sur l’IRM cérébrale. La neurobiologie du trouble implique des régions cérébrales distinctes du réseau épileptogène. Les formes symptomatiques aiguës nécessitent le recours aux neuroleptiques. Le contrôle complet des crises supprime le risque de survenue d’une PPI, démontrant le rôle causal des crises épileptiques.

Service de neurologie et de neurophysiologie clinique, CHU Bretonneau (Tours)
(1) Devinsky O. Postictal psychosis : common, dangerous, and treatable. Epilepsy Curr 2008;8:31-4
(2) de Toffol B. Syndromes épileptiques et troubles psychotiques. John-Libbey-Eurotext, Montrouge, 2001
(3) de Toffol B. Le grand mal intellectuel by Jules Falret (1861), the first complete description of postictal psychosis. Epilepsy Behav 2016;54:128-30
(4) de Toffol B, Kanemoto K. Clinique et neurobiologie des psychoses post-ictales. Encéphale 2016;42:443-47

Pr Bertrand de Toffol

Source : Bilan Spécialiste