Éducation thérapeutique

Quand les médecins coachent leurs patients

Par
Publié le 05/02/2018
Article réservé aux abonnés

En matière d’éducation thérapeutique du patient (ETP) il y a eu un avant et un après 2009, date à laquelle la loi HPST a inscrit cette pratique dans le parcours de soins du patient et confié sa gestion aux agences régionales de santé.

Depuis, ces dernières encouragent le déploiement des programmes d’ETP traditionnellement délivrés dans les établissements de soins - également par les médecins de ville. S’il est encore difficile pour l’heure de mesurer l’impact de ce changement, des dispositifs ont essaimé dans plusieurs régions. En région toulousaine, dans le bassin du Lauraguais, le programme PROXI d’éducation thérapeutique en soins premiers a vu le jour fin 2013 pour des patients présentant des facteurs de risque cardiovasculaire. « Fin 2018 nous aurons inclu 120 patients dans ce programme, et une première enquête permet déjà de vérifier que 6 mois après la fin des ateliers, les patients gardent de bons réflexes », constate Odile Bourgeois, généraliste à Saint-Orens près de Toulouse et coordonnatrice de ce programme. Contrairement à des programmes d’ETP construits pour des pathologies spécifiques (diabète, polyarthrite rhumatismale, obésité…), PROXI propose une approche thématique commune à différentes pathologies (bouger plus, se relaxer, manger mieux…).

Une équipe d’une trentaine de médecins, pharmaciens et infirmiers

Il est fédéré autour d’une équipe pluridisciplinaire d’une trentaine de médecins, pharmaciens et infirmiers et d’un parcours de soins. « Nos patients viennent avec une problématique, par exemple j’ai du mal à manger équilibré, ou je n’arrive pas à gérer mon traitement… Le parcours commence par un bilan personnalisé non pas en terme médical, mais en termes d’éducation au sens large. Qui est-il ? Qu’attend-il ? Comment voit-il les choses ? Qu’est-il capable de faire ? À partir de cet état des lieux on détermine le mode d’éducation qui pourrait lui permettre de mieux gérer sa maladie », détaille la généraliste.

Moins figé que les ateliers développés au sein de l’hôpital, PROXI demande une grande coordination entre professionnels de santé qui soumettent 4 à 6 ateliers à leurs patients parmi une douzaine au choix. Selon le Dr Bourgeois, la réussite de ce type de programme passe par la mise en place d’une posture éducative qui implique pour le médecin de modifier sa consultation. Ainsi pour s’assurer du suivi d’un traitement, plutôt que de « pister » la fréquence de renouvellement de l’ordonnance, le généraliste, aide son patient à mieux se soigner. « Je dis par exemple, beaucoup de patients m’indiquent qu’ils ont du mal à prendre leur traitement régulièrement, qu’en est-il pour vous ? C’est un travail de coaching, auquel nous ne sommes pas habitués en tant que médecins. Nous passons de prescripteur à accompagnateur », résume-t-elle. Une évolution qui implique, selon la généraliste, « de passer du cours magistral à des apports d’informations ciblées pour le patient en fonction de ses besoins ». Pour acquérir ces nouveaux réflexes, les professionnels de santé suivent une formation validante de 40 heures.

Formation dès la fac

Les choses pourraient cependant évoluer rapidement dans les prochaines années avec le déploiement d’un enseignement adapté dès la faculté de médecine. C’est déjà le cas à Toulouse, où tous les étudiants de troisième cycle en médecine générale suivent ces 40 heures d’ETP. « Un enseignement unique en France », assure Odile Bourgeois qui est aussi coresponsable du pôle éducation thérapeutique du département de médecine générale. L’ARS d’Occitanie qui a autorisé le programme PROXI jusqu’à fin 2018, rémunère les professionnels de santé à hauteur de 250 euros par patient inclus dans le dispositif. Si les premiers résultats sont probants, PROXI sera prolongé pour quatre ans supplémentaires et sans doute enrichi. « Nous souhaitons organiser des réunions de conseil pluridisciplinaires (RCP) pour construire un parcours de soins adaptés aux patients complexes », décrit la généraliste.

Béatrice Girard

Source : Le Quotidien du médecin: 9637