Ostéoporose

Quelle interaction avec le microbiote ?

Publié le 29/05/2018
microbiote

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Crédit photo : Phanie

Avec environ 100 000 milliards de micro-organismes, le microbiote intestinal serait composé de 500 à 1 000 espèces bactériennes différentes dont les quatre principales sont : Firmicutes, Bacteroidetes, Proteobacteria et Actinibacteria. Si cette flore intestinale acquise dès la naissance reste relativement stable au cours du temps, son équilibre peut néanmoins être perturbé par différents facteurs (âge, stress, maladies…) et créer ainsi une dysbiose. Ce dysfonctionnement serait impliqué dans un grand nombre de maladies (cancer colorectal, diabète, MICI, polyarthrite rhumatoïde…).

Un lien entre microbiote et croissance osseuse

Récemment établi chez l’animal, un lien entre microbiote et croissance osseuse vient d’être confirmé par une étude (1) réalisée chez des souris exemptes de germes, de la lignée Balb/C « germ-free ». L’absence de microbiote chez ces souris, convenablement nourries, entraîne un défaut de croissance, un poids et une taille inférieurs aux animaux normaux. Alors qu’une diminution des protéines alimentaires provoque un arrêt de croissance, l’ajout à l’alimentation de probiotiques de la famille Lactobacilles (Lactobacillus plantarum) permet à ces souris de retrouver une croissance identique aux animaux normaux.

Dans un précédent essai (2), des chercheurs ont sélectionné des paires de jumeaux du Malawi dont l’un était dénutri et l’autre pas. « Ils ont prélevé des échantillons fécaux de chaque enfant et les ont administrés chez la souris. Après 3 semaines, ils observent que la souris « germ free » qui reçoit le microbiote de l’enfant malnutri a une croissance ralentie, alors que la souris recevant le microbiote de l’enfant bien nourri a une croissance harmonieuse. On peut donc transférer le phénotype de malnutrition uniquement avec le microbiote », explique le Pr Rizzoli. La croissance de la souris ayant reçu le microbiote de l’enfant dénutri peut ensuite être normalisée par la transplantation du microbiote de l'autre souris.

Rôle des probiotiques sur l’ostéoporose

Une expérience chez des souris ovariectomisées a mis en évidence le potentiel des probiotiques (4 semaines de lactobacillus reuterii) à corriger la perte osseuse au niveau du fémur et des vertèbres (3). « On peut inhiber, prévenir et annuler la perte osseuse survenant par carence hormonale, comme à la ménopause, avec un probiotique », ajoute le Pr Rizzoli.

Une étude chinoise chez 6 patients normaux, 6 ostéoporotiques et 6 ostéopéniques, montrent des microbiotes différents dans chaque groupe de patients, notamment un rapport Firmicutes/Bacteroidetes significativement plus élevé en cas d’ostéoporose (1,3 chez le sujet normal, 1,75 chez l’ostéopénie et 3,3 en cas d’ostéoporose). De plus, certaines bactéries anormalement présentes pourraient s’avérer des marqueurs spécifiques d’une faible masse osseuse (4). « On en est au balbutiement dans ce domaine mais des données intéressantes commencent à apparaître, commente le Pr Rizzoli au sujet de la relation entre ostéoporose et microbiote. En effet, une étude danoise réalisée versus placebo chez 90 personnes, rapportée cette année lors du congrès international de l’ostéoporose, a mis en évidence une réduction de la perte osseuse survenant avec l’âge grâce à l’administration d’un lactobacille pendant un an ».

La consommation de produits laitiers fermentés diminuerait donc la perte osseuse liée à l’âge. D’après une récente étude réalisée chez des sujets de plus de 60 ans vivant à domicile, chaque augmentation d’une portion de yaourt par semaine diminuerait le risque d’ostéoporose de 40 % chez les femmes et 50 % chez les hommes (5). Selon un essai suédois mené chez plus de 60 000 femmes (39-74 ans) suivies pendant 20 ans, la consommation de produits laitiers réduirait le risque de fracture de la hanche, à hauteur de 10 à 15 % par portion de yaourt (200 g) ou de fromage (20 g) (6). Cette baisse atteindrait 20 % en associant des produits laitiers fermentés (≥ 2/jour) à des fruits et légumes (≥ 5/j) [7].

D’après la conférence de presse du centre de recherche et d’information nutritionnelle (CERIN) avec Pr René Rizzoli, service des maladies osseuses du CHU de Genève (Suisse), lors du congrès international de l’ostéoporose (21 avril 2018)
(1) Schwarzer M et al. Calc Tissue Int 2018;102(4):387-405
(2) Blanton LV et al Science. 2016
(3) Britton RA et al. J Cell Physiol 2014;229(11):1822-30
(4) Wang J et al. Peer J 2017
(5) Laird E et col. Osteoporos Int. 2017;28(8):2409-19
(6) Michaëlsson K et al. BMJ 2014
(7)Michaëlsson K et al. J Bone Miner Res. 2018;33(3):449-57

Karelle Goutorbe

Source : lequotidiendumedecin.fr