Un colloque à Marseille sur les mineurs en prison

Ramener les adolescents dans le lien social

Publié le 16/11/2015
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Crédit photo : AFP

Qui sont les adolescents incarcérés aujourd’hui ? La XXIIe journée régionale de psychiatrie en milieu pénitentiaire s’est penchée sur la question la semaine dernière à Marseille, avec un colloque centré sur « L’adolescence incarcérée : à corps et à cris ! ».

Devant une assistance nombreuse, rassemblant éducateurs, médecins, psychologues, magistrats, il s’est agi pour les intervenants de remettre les savoirs en perspective, bien loin souvent des idées reçues et des clichés qui entourent cette population. « Ces ados doivent trouver leur place dans le monde, confirme Jeanine Chamond, psychologue, psychanalyste montpelliéraine. Et ils doivent parfois se cogner avec une dure réalité pour y parvenir. Il en reste plus que le corps pour s’arrimer au monde. » Selon elle, il faut tenir compte de la culture adolescente d’aujourd’hui, de ce corps image entre apparence et norme et de la recherche des limites extrêmes. « Le concept même d’adolescence ne peut se révéler qu’en étroite relation avec la société et la manière dont celle-ci s’y prend pour initier, cadrer, réguler. Dans ce cadre où il y a souvent défaillances des identifications possibles, poursuit-elle, la place centrale est laissée au manque. Le recours au corps est alors constant pour se découvrir. » Source d’inquiétude et d’interrogations chez l’adolescent, il permet aussi d’affirmer son identité.

« Peu de pathologies psychiatriques constituées »

« Dans cette période de transformations, de pertes, de métamorphoses, explique le Dr Catherine Paulet, psychiatre et chef de service du SMPR des Baumettes, si les ados n’ont pas les mots pour dire, leur corps parle. Les bagarres, les rixes, les scarifications, les petits bobos mais aussi la sexualité, et pour certains la parentalité, sont autant d’aspects du processus adolescent, contraint et exacerbé en prison. » Le corps se met en danger dans les sports extrêmes, dans de nouvelles modes d’appréhension du monde, avec des addictions à internet, le binge drinking ou dans la violence. C’est ce qu‘elle constate à l’EPM, l’un des 6 centres en France qui accueille 60 mineurs et dans l’unité dédiée du Centre pénitentiaire des Baumettes avec 6 jeunes filles. À ce sujet, le juge des enfants, Sophie Bouttier-Véron tord encore le cou à une idée reçue : « Il n’y a pas de montée de la délinquance des filles, ce n’est pas ce qu’on constate juridiquement. »

Sur 76 000 personnes écrouées au premier septembre 2015, 738 étaient mineures. « Le risque serait de recommencer à incarcérer davantage les mineurs, sans moyens éducatifs mis à disposition, ajoute le juge des enfants. Il y a un retour à la notion d’enfant dangereux du XIXe siècle. Mais je rappellerai une phrase de Victor Hugo : chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne. »

Différentes expériences innovantes l’après-midi ont montré que des actions sont possibles pour ramener les adolescents dans le lien social. « Il ne faut pas oublier que ce sont des êtres en devenir, c’est difficile mais il y a de l’espoir, assure Le Dr Paulet. Il y a peu de pathologies psychiatriques constituées. On se pose surtout la question de comment ils peuvent se construire avec des carences éducatives importantes. Cela renvoie aussi à la question du social et du politique, au sens noble du terme. » Les spécialistes ont rappelé que le processus de maturation peut prendre du temps.

De notre correspondante, Hélène Foxonet

Source : Le Quotidien du Médecin: 9450