Congrès des médecins allemands

Rappels éthiques et déontologiques

Publié le 26/05/2015
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Après le crash, la justice aclairement bafoué le secret médical, selon les médecins allemands

Après le crash, la justice aclairement bafoué le secret médical, selon les médecins allemands
Crédit photo : AFP

Le Congrès annuel des médecins allemands, qui vient de se tenir à Francfort, consacre traditionnellement certains de ses débats à des thèmes d’actualité dont, cette année, la violence contre les médecins, la situation des médecins en Ukraine, la fièvre Ebola ou l’Airbus de Germanwings.

Pour le président de l’Ordre, le Pr Montgomery, les médecins n’avaient en aucun cas à transmettre des informations sur la santé mentale du copilote à son employeur : « Un médecin ne peut lever le secret médical qu’en cas de danger immédiat pour le patient ou pour des tiers, mais il était impossible de déceler la dangerosité du copilote… à moins d’empêcher les 20 % de citoyens qui font au moins une dépression dans leur vie de se livrer à toute activité professionnelle. » Par contre, après le crash, les enquêteurs et la justice ont clairement bafoué le secret médical puisque le copilote ne représentait plus aucun danger pour quiconque, a-t-il ajouté. Les autorités aéronautiques allemandes sont en train de mettre en place de nouvelles procédures de suivi médical pour les pilotes, incluant la transmission systématique de données aux compagnies aériennes, mais ces procédures, selon l’Ordre, « violent le secret médical garanti par la loi, et doivent être revues ».

Les violences contre les médecins s’aggravent partout dans le monde

Dans un autre registre, l’Ordre s’inquiète de l’augmentation des violences commises à l’encontre des médecins. Il y a deux mois, une psychiatre a été assassinée dans son cabinet, en Sarre, par un déséquilibré interpellé peu après. Ce drame s’inscrit dans un climat général de plus en plus tendu, et devrait pousser les organisations médicales à apprendre aux médecins sinon à se défendre, du moins à maîtriser les techniques verbales de « désescalade » qui peuvent désamorcer des altercations qui tournent mal. De même, la justice devrait être plus sensibilisée à la protection des professionnels de santé. Mais le phénomène est mondial, relève le Dr Othmar Kloiber, secrétaire général de l’Association médicale mondiale. En Amérique du Sud, mais aussi en Chine, les assassinats de médecins se multiplient, et si certains sont liés à des vols ou des agressions, d’autres sont liés à des motifs encore plus futiles, comme une attente trop longue.

Les médecins déplorent aussi les violations croissantes du droit humanitaire avec notamment l’utilisation d’ambulances marquées de la Croix ou du Croissant rouge pour transporter des combattants ou des armes, en Palestine et en Syrie, ainsi que les entraves au travail des médecins sur le terrain, en particulier en Ukraine et dans plusieurs pays arabes. Le Dr Oleg Musii, président de l’association des médecins ukrainiens, est venu témoigner, à Francfort, des difficultés des soignants dans son pays, tant dans les zones de combat que dans les régions épargnées par le conflit.

De même qu’ils ont a aidé, il y a vingt-cinq ans, de nombreux anciens pays de l’Est à se doter de systèmes de santé plus performants, les médecins allemands souhaitent aider l’Ukraine à moderniser ses structures de santé, rongées par la corruption et le manque de moyens. Actuellement, rappelle le Dr Musii, les médecins gagnent en moyenne 100 euros par mois, tandis que les patients doivent payer de leur poche la moitié de tous les traitements, souvent assurés par des institutions hors d’âge.

Contrer le retour des maladies infectieuses

Les médecins rappellent l’importance d’une bonne organisation des systèmes de santé pour protéger les populations, et se sont d’ailleurs élevés, de concert avec le gouvernement, contre les campagnes « anti vaccination » qui ont contribué, selon eux, à la flambée de rougeole enregistrée ces dernières semaines en Allemagne. Le ministre de la santé, Hermann Grohe, envisage d’ailleurs de rendre obligatoire la vaccination contre la rougeole et plusieurs autres maladies qui ont récemment réapparu dans le pays.

Enfin, les médecins ont souhaité, pendant leur congrès, améliorer les compétences du corps médical en matière de communication, car patients et soignants ont, selon eux, de plus en plus de mal à se comprendre. En consultation, les médecins ont tendance à interrompre leurs patients au bout de 18 secondes, alors qu’ils devraient les laisser parler au moins 90 secondes pour se faire une idée précise de leur demande. Si les médecins et les patients doivent apprendre à dialoguer, l’échange est parfois encore plus difficile avec les patients étrangers, mais aussi les médecins étrangers. L’Ordre déplore la formation linguistique insuffisante d’une partie des 35 000 médecins étrangers exerçant actuellement en Allemagne et réclame une formation linguistique plus poussée avant de les autoriser à exercer.

Denis Durand de Bousingen

Source : Le Quotidien du Médecin: 9414