Recommandations pour la prise en charge de l'infection par le VIH 

Publié le 03/01/2001
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«N OUS quittons le tout-virologique, pour nous inscrire dans une démarche plus globale », commente le Pr Jean-François Delfraissy*, président du groupe d'experts à l'origine des recommandations.

A côté de l'efficacité antirétrovirale, les questions de tolérance, de toxicité et d'acceptabilité du traitement représentent un enjeu essentiel, indiquent les experts. L'éradication n'est plus l'objectif prioritaire, mais plutôt l'obtention d'un état d'équilibre immunovirologique. Les principaux points forts de ces dernières recommandations concernent :
• L'instauration du traitement antirétroviral : il est recommandé de différer la mise en route du traitement chez les patients qui ont un nombre de CD4 supérieur à 350/mm3, lorsque la situation immunovirologique est stable (taux de CD4 et charge virale qui demeurent constants dans le temps).
• Traitement de première intention : une trithérapie est de mise, et les trois combinaisons d'antirétroviraux peuvent être utilisées : 2 IN et 1 IP, 2 IN et 1 INN ou 3 IN (voir encadré). Chez les patients qui ont une charge virale supérieure à 100 000 copies/ml et/ou des CD4 inférieurs à 200/mm3, l'association 2 IN et 1 IP est celle qui a été le mieux évaluée. L'utilisation de l'association ritonavir à faible dose avec un IP permet de simplifier les schémas thérapeutiques. Le rythme de suivi tend à se ralentir, en se calant plutôt sur des intervalles de quatre mois.
• Les interruptions thérapeutiques : les patients arrêtent spontanément de plus en plus souvent leur traitement. Face à cela, il convient de ne pas être dogmatique, de ne pas dramatiser : le virus conserve dans la majorité des cas sa sensibilité.
Les interruptions thérapeutiques font l'objet de recherches cliniques. On sait que, si elles présentent l'intérêt d'une épargne thérapeutique et qu'elles ne semblent pas avoir d'effet délétère à court terme, leur intérêt pour stimuler la réponse immunitaire n'est pas établi. Il est donc recommandé de ne pas utiliser cette stratégie en pratique clinique en dehors de protocoles de recherche.
• La primo-infection : il n'est pas recommandé de traiter systématiquement toutes les primo-infections, mais seulement les patients qui ont une forte symptomatologie et qui présentent des critères d'infection très récente (moins d'un mois), si possible dans le cadre de protocoles ou d'études de cohorte.
• L'immunothérapie : elle apparaît intéressante, dans une optique de stratégie sur le long terme, pour tenter de stimuler la réponse immunitaire. Cela reste toutefois du domaine de la recherche.
• Les anomalies métaboliques : on souligne l'importance de rechercher des facteurs de risque cardio-vasculaire chez les patients : surpoids, antécédents cardio-vasculaires familiaux, consommation de tabac et d'alcool. Une stratégie de prise en charge doit appartenir au bilan. On sait maintenant que plus de 50 % des patients traités par des antirétroviraux présentent à des degrés divers des anomalies métaboliques, constatées avec l'ensemble des associations thérapeutiques. Si on ne connaît pas précisément le risque, les anomalies lipidiques sont suffisamment importantes pour qu'on insiste sur leur prévention.
• La coïnfection par le VIH-VHC : il est conseillé de dépister systématiquement l'hépatite C chez toute personne infectée par le VIH. En cas d'infection par le VHC, une ponction biopsie hépatique doit être réalisée pour être en mesure de poser l'indication d'un traitement de l'infection.
• Les grossesses et la PMA : il est recommandé de proposer systématiquement le test de dépistage du VIH au cours du bilan prénatal, ce qui peut permettre de mettre en place un traitement préventif de la transmission mère-enfant, le cas échéant. Les femmes doivent être informées des bénéfices du traitement et du risque de toxicité des antirétroviraux. Le traitement doit être instauré et poursuivi lorsqu'il existe une indication de mise sous trithérapie pour une femme.

* Chef du service de médecine interne de l'hôpital de Bicêtre.

Les antiprotéases douées d'un effet immunologique propre

L'équipe française des Prs Jean-Marie Andrieu et W. L. Lu (Necker, Paris) montre que des patients sous trithérapie comportant une antiprotéase (saquinavir ou indinavir) bénéficient d'une restauration des CD4 équivalente, qu'ils soient sensibles ou résistants au traitement. Les auteurs trouvent in vitro des arguments pour attribuer aux antiprotéases cet effet immunologique favorable.
Les résultats publiés dans « Blood » résultent de l'analyse informatique de 99 cas de sujets infectés par le VIH1 et traités pendant au moins un an par un HAART comportant au moins deux analogues nucléosidiques et une antiprotéase. Les populations cellulaires ont été étudiées tous les deux mois. Les CD4 ont augmenté dans les trois groupes : sujets sensibles, chez qui la charge virale s'effondre, sujets rechuteurs, chez qui la charge virale subit une réascension, et sujets résistants. Les sous-populations cellulaires mémoire et naïves ont connu le même bénéfice. Une corrélation linéaire entre la diminution de la concentration sérique de la bêta 2-globuline, un marqueur de l'activation immunitaire, et l'augmentation des cellules immunitaires est constaté.
In vitro, les auteurs ont confirmé la notion d'un effet spécifique des antiprotéases. A l'inverse des analogues nucléosidiques, l'indinavir et le saquinavir améliorent la durée de vie des lymphocytes T périphériques des patients, et ce à des doses trente fois inférieures à celles nécessaires pour réaliser une inhibition de 90 % de la réplication virale dans les mêmes cultures. Et ils montrent qu'il existe une restauration de la réponse proliférative des lymphocytes aux stimulus immunogènes à ces doses dépourvues d'effet virologique.
Une suggestion s'impose, indiquent les auteurs : il n'est peut-être pas nécessaire de modifier une trithérapie comportant l'une de ces antiprotéases lorsqu'elle est immunologiquement satisfaisante, même si elle apparaît virologiquement peu efficace. Il serait également intéressant d'évaluer l'effet de doses d'antiprotéases inférieures à celles qui sont prescrites habituellement.

Dr Béatrice VUAILLE Dr Béatrice VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6828