Environ 70 % des cas sont non diagnostiqués selon une étude de corrélation clinicopathologique (1). En cause, la présentation très protéiforme de la maladie.
Les modes d’entrée divers et méconnus précédent de mois ou années l’atteinte cognitive. « Ici des épisodes confusionnels à répétition (sans cause retrouvée) ; là une présentation psychiatrique : délire, hallucinations, anxiété majeure peu contrôlable, dépression atypique ; ou encore des signes “mineurs” : chutes, manifestations dysautonomiques (hypotension orthostatique, constipation opiniâtre récente à coloscopie normale, syncopes inexpliquées) », précise le Pr Verny.
Au stade de plainte cognitive
Attire l’attention : une atteinte prédominante des fonctions exécutives complexes (contrôle cognitif et comportemental, abstraction, planification) ; des troubles visuospatiaux (difficultés à s’orienter dans l’espace, à reconnaître un visage connu) que l’entourage peut rapporter « Il cherche des choses parfois devant lui, mais ne les voit pas ! » ; des fluctuations attentionnelles - signe majeur, absent dans la MA - rapportées « Un jour il va bien, le lendemain il est incohérent et ne comprend rien ! », ou à rechercher (il somnole > 2 heures cumulées/j, a des ruptures attentionnelles, est hagard, confus au réveil).
« Les hallucinations visuelles récurrentes sans cause retrouvée (personnage souvent connu parfois décédé, animal) ou les équivalents hallucinatoires (à type d’impression "fausse" de présence, de passage furtif) sont très évocateurs, précoces et complexes », note le Pr Verny. Les troubles du comportement en sommeil paradoxal sont assez spécifiques. Le patient vit ses rêves, peut avoir des mouvements des membres, agresser le conjoint en dormant, tomber du lit, se réveiller avec des hématomes… Un syndrome parkinsonien est à rechercher (bradykinésie, hypertonie, akinésie, amimie, rare tremblement).
Classiquement, il n’y a pas d’atrophie hippocampique significative à l’IRM cérébrale contrairement à la MA. Une scintigraphie DAT scan® ou un enregistrement polysomnographique sont parfois utiles, prescrits par le spécialiste.
Prescriptions dangereuses
« Identifier la maladie est fondamental. De grandes précautions d’emploi des psychotropes, des anticholinergiques et des neuroleptiques s’imposent chez ces patients », insiste le Pr Verny. Leur très bas niveau d’acétylcholine cérébrale les rend très sensibles aux psychotropes et anticholinergiques.
Pour une urgenturie, un anticholinergique déclenchera un grand syndrome confusionnel ; pour une anxiété, une benzodiazépine à faible dose provoquera 24-48 heures de torpeur ! « Les syndromes malins des neuroleptiques sont fréquents. Face aux hallucinations angoissantes et gênantes, ne peuvent être prescrits que la quétiapine ou la clozapine (prescription de spécialiste contraignante : NFS/semaine sur 18 semaines puis mensuelle, AMM dans les psychoses dopaminergiques du parkinsonien) », insiste-t-il.
Les traitements sont symptomatiques. Les troubles cognitifs relèvent de stimulation cognitive. Les anticholinestérasiques améliorent les processus attentionnels, limitent les fluctuations. « Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont en 1re ligne en cas d’anxiété ou de dépression. Se méfier du Deroxat® (composante anticholinergique !). Le syndrome parkinsonien requiert dopathérapie (à introduire prudemment, risque d’épisode confuso-onirique) et kinésithérapie », précise-t-il. La mélatonine en préparation magistrale (pas à libération prolongée) limite les troubles du comportement en sommeil paradoxal, facilite l’endormissement, améliore la qualité de sommeil. Le Rivotril® est à éviter. L’évolution, imprévisible, est moins favorable si coexistent des lésions d’Alzheimer.
(1) auteur de "La maladie d'Alzheimer", éditions Solar
(2) Nelson PT et al., Neurol 2010; 257: 359-66
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