« La Maison des enfants » sur TF1

Sandrine Bonnaire endosse à nouveau la blouse de chirurgien

Publié le 30/03/2003
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Cinq ans déjà. Les six épisodes du téléfilm « Une femme en blanc », sur France 2, avec Sandrine Bonnaire dans le rôle-titre, avaient bouleversé les chaumières et chaviré l'audimat (6,6 millions de téléspectateurs en moyenne et 29,9 % de parts de marché, selon des chiffres Médiamétrie). Tant et si bien que, nonobstant ses dénégations de l'époque, l'actrice a fini par céder aux courriers du public : le Dr Margaux Dampierre est de retour ce soir sur les petits écrans. Trois épisodes sont programmés*, cette fois sur TF1, toujours avec Aline Issermann derrière la caméra, toujours à partir de l'œuvre de Janine Boissard** (quoique largement remaniée).

Les fans seront comblés : Sandrine Bonnaire, plus que jamais, respire la vie, mélange la force et la fragilité, joue sur tous les registres de l'émotion, du rire aux larmes, avec une justesse qui touche au cœur.
Et pour ce qui est du charivari des événements, le scénario (TF1 oblige) ne connaît ni répit ni limite : Margaux Dampierre est chirurgienne à l'hôpital de la Chartreuse, dans une petite ville de Charente-Poitou ; écartelée entre la passion de son métier et la recherche d'un équilibre familial, elle a quitté son amour de jeunesse, le chirurgien Daniel Roux, et file le tendre amour avec le restaurateur Bernard Clairvaux, tout en élevant son fils Eric, 14 ans, en pleine crise d'adolescence. Dès la première séquence du premier épisode, Margaux s'en va-t-en guerre à propos de la mystérieuse fermeture d'un centre de moyen séjour pour enfants. L'intrigue va se nouer jusqu'à la mise à jour de liens obscurs entre l'entourage personnel de Margaux et les protagonistes professionnels, avec une sombre affaire de pédophilie en arrière-plan.
Les personnages sont écartelés entre l'ambition et l'amour, leur carrière et leur vie personnelle. Dans cet enchaînement psychodramatique, Sandrine Bonnaire fait merveille dans le rôle de celle qui, tous les matins, découvre un nouveau problème et tous les soirs réalise un nouveau miracle.

Un médecin dans son propre rôle

Malgré cette surenchère scénaristique, l'actrice emporte la partie. « Elle a une autorité naturelle phénoménale », s'extasie le Pr Alain Deloche, fan d'entre ses fans. Le fondateur de la Chaîne de l'Espoir avait fait sa connaissance sur le plateau des Dossiers de l'écran, il y a plus de dix ans, après la diffusion du film d'Agnès Varda « Sans toit ni loi », étant à l'époque le responsable de la mission France de Médecins du Monde, qui a inventé l'humanitaire à l'intérieur de l'Hexagone.
Avant le tournage de « la Maison des enfants », Sandrine Bonnaire a demandé à le rencontrer. « Elle tenait beaucoup à ce que je tienne mon propre rôle dans le film ; celui d'un humanitaire qui vient la démarcher, au nom d'une « chaîne du cœur », pour qu'elle opère à Paris des enfants du tiers-monde atteints de malformations cardiaques. Evidemment, j'ai tout de suite dit oui. »
Mais, finalement, ce sera non : dans l'esprit d'Alain Deloche, le tournage devait être bouclé en deux heures dans un studio de Saint-Denis, alors que les nécessités du rôle exigeaient cinq jours sans désemparer à Angoulême. Impossible, surtout en juin, mois traditionnellement chargé.
Cette défection aura fait un heureux, le Dr Jean-François Elberg, chirurgien orthopédiste, cofondateur de la Chaîne, qui nourrit depuis toujours une vocation rentrée de comédien et qui a hérité du rôle. Cet ancien « nez rouge » de l'internat a éprouvé « un bonheur fou » avec l'équipe des acteurs et des techniciens. « Une aventure incroyable, géniale », les mots lui manquent pour dire ce qu'il a vécu. Non sans douleur parfois : «  Après la première prise, raconte-t-il, l'ingénieur du son est venu me trouver pour me demander de vider mes poches car j'étais tellement mort de trouille que je malaxais bruyamment les pièces de monnaie... »
Mais ce baptême sous les sunlights l'a converti à ce nouveau métier : « Nous, les chirurgiens, nous subissons une pression de chaque instant et nous devons constamment nous garder à gauche et nous garder à droite ; à côté de ça, je ne comprends pas de quoi les acteurs peuvent bien se plaindre : ils sont pris en charge à tout moment, dès le matin, on vient les chercher pour les conduire au lieu de tournage où tout leur est expliqué, jusqu'à la position de leurs pieds sur le sol, marquée par des repères de peinture... »
Et Jean-François Elberg de s'extasier sur l'accueil que lui ont réservé ces collègues d'un nouveau genre, avec lesquels il a gardé le contact.
Quant au Pr Deloche, subjugué qu'il est par Sandrine Bonnaire, et donc quelque peu nostalgique de cette occasion manquée, il aura tout de même à son actif d'avoir joué dans cette série les conseillers médicaux au pied levé. « Je lui ai expliqué comment elle devait parler et se faire respecter au bloc par son équipe, dans ce milieu très macho de la chirurgie ; que le chirurgien (ou la chirurgienne) est quelqu'un qui ne pleure pas, qui reste en permanence détendu dans des situations dramatiques, comme s'il y avait un pilotage automatique où tout ce qui survient est géré sur un mode sous-cortical... »
Le résultat ? « Sandrine Bonnaire est excellente, très crédible », juge Alain Deloche, qui a visionné les cassettes. Même s'il regrette que le film ne mette pas suffisamment l'accent sur l'aspect travail de groupe et si la manière dont débarque une jeune stagiaire asiatique est peu conforme aux us de la profession, il reconnaît qu' « on s'y croirait ». « Rien à redire, c'est comme la série "Urgences", la réalité est presque comme ça. »
Dans la lumière blanc-bleuté, les médecins et les soignants, derrière les masques et les blouses, se meuvent avec des « gestes assez irréels », selon la volonté d'Aline Issermann. Une étrange chorégraphie opératoire, fascinante entre deux séquences tournées au soleil estival de magnifiques propriétés charentaises. Au centre, on reconnaît à son regard Margaux Dampierre, qui n'a pas chaussé ses lunettes grossissantes. Ce regard qui, comme dit Alain Deloche, « véhicule quelque chose d'humanitaire ». L'actrice n'hésite pas, on le sait, à militer. Elle s'implique au sein de l'association Marc Signiac dans l'action en faveur des autistes. Et il n'est pas exclu qu'elle soit tout bientôt la marraine d'une certaine Chaîne de l'espoir.

* Les lundi 31 mars, 7 et 14 avril, à 20 h 45.
** « La Maison des enfants », Editions Robert Laffont, 368 p., 21,19 euros.

Christian DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7305