Maxime avait 27 ans et était un excellent étudiant en médecine. Interne en chirurgie orthopédique, il terminait sa dixième année. Depuis novembre dernier, il était en stage dans le service de neurochirurgie du Pr Dufour à la Timone, où il travaillait sous la direction du Pr Fuentes, pour se former plus spécifiquement à la chirurgie rachidienne.
Maxime faisait partie de ces internes dynamiques et motivés, qui ne comptent jamais leurs efforts, qui travaillent plus de 70 heures par semaine, qui ne se plaignent pas, d'autant moins qu'il était passionné de médecine.
C'était aussi un grand sportif, et un être sociable, attaché à la relation humaine, autant dans sa vie personnelle que professionnelle.
Il partageait une relation sentimentale depuis plusieurs années et caressait des projets de vie de famille.
Pour son entourage, il était l'interne dévoué à l'hôpital, respectueux de ses aînés et travailleur. Pour ses chefs, il était l'interne volontaire et compétent, avec une grande soif d'apprendre.
Tous les stages précédents de Maxime s'étaient bien déroulés. Il avait déjà travaillé dans des services difficiles mais dans lesquels on retrouvait une forte cohésion du personnel médical.
Depuis le mois de novembre, il relatait ses difficultés à exercer son travail selon sa conscience professionnelle : manque de formation à cette nouvelle spécialité, charge de travail excessive et sur responsabilisation.
On retrouve dans les témoignages de ses derniers jours des signes d'épuisement professionnel, un vécu de dévalorisation, le sentiment de ne pas parvenir à répondre correctement aux attentes de sa hiérarchie et à celles des patients.
Le 15 février 2016, il s'est donné la mort et tous ces éléments permettent de rattacher cet accident à sa vie professionnelle.
Au-delà des mots, ce drame nous interpelle sur la vie quotidienne des internes en médecine dans nos CHU.
Leurs conditions de travail (repos de sécurité non respecté, horaires extensibles, surcharge de travail, course aux diplômes, attente et incertitude pour avoir un poste d'assistant, rémunérations sans rapport avec leur investissement) doivent maintenant être connues de tous et mises en débat !
Il aura fallu cet événement tragique pour qu'une enquête interne soit conduite pour que l'on envisage de prendre des mesures pour que les hôpitaux respectent les dispositions réglementaires sur le repos obligatoire après les gardes de nuit, en vigueur depuis 12 ans.
Plus encore, l'histoire de Maxime révèle l'écart existant entre le rôle qu'on assigne aujourd'hui aux internes et leur statut de « médecin en devenir », n'ayant pas encore acquis l'expérience suffisante pour affronter seuls toutes ces responsabilités.
Leurs Maîtres auraient-ils déjà oublié le doute qui habite l'interne en médecine
Auraient-ils à ce point perdu de vue le rôle fondateur d'un tutorat authentique ?
Le médecin senior, modèle de référence pour ses internes, ne peut se contenter d'attendre plus de travail et de responsabilité, mais doit être un confrère formateur, une sorte de guide bienveillant pour son cadet. On sait aujourd'hui que Maxime s'est donné sans réserve à ce système, au point de s'y perdre.
Alors qu'il évoluait dans un univers de soins par essence tourné vers l'autre, comment comprendre qu'il n'ait pas bénéficié d'une plus grande attention, voire considération, de la part de ses aînés.
L'application stricte des lois s'impose.
Mais il est essentiel, et plus que jamais depuis la disparition de Maxime, de réintroduire une plus grande humanité dans la vie des services hospitaliers, et notamment un authentique respect de l'interne.
* « Le Quotidien » respecte le souhait des auteurs de ce texte de conserver l'anonymat
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