Un silence studieux emplit l’amphithéâtre. Au centre universitaire de l’hôpital Bichât, à Paris, de nouveaux étudiants ont pris place : les prochains infirmiers en pratique avancée. Ils sont 64, tous en formation continue. Les trois quarts viennent du secteur public, les autres sont infirmiers libéraux ou en maison de santé. Le master de l'université Paris Diderot -l'une des onze formations universitaires en deux ans — est aussi ouvert aux étudiants de formation initiale ayant le diplôme d’état d’infirmier. Au programme, ce matin : « Formation et analyse des pratiques ».
« Les cinq rôles de l’IPA sont : recherche, formation, entretien, clinique et leadership », explique Camille Lefebvre-Durel. Sa consœur Emma Kokoua Manly confirme. En juin, ces deux infirmières feront partie des premières IPA diplômées de France, grâce à une équivalence. Ambassadrices de la nouvelle profession, elles présentent leurs recherches sur l’estrade.
Apprendre de nouvelles responsabilités
Outre la recherche et la formation, le programme comprend de nombreux enseignements cliniques. Le décret du 19 juillet dispose que les IPA effectueront certains actes d’évaluation et de conclusion cliniques. Les élèves choisiront parmi trois spécialités : les pathologies chroniques stabilisées, l’oncologie et l’hématologie-oncologie ou bien les maladies rénales chroniques, dialyses, transplantations rénales.
Cet élargissement des compétences infirmières peut être perçu par des médecins comme une concurrence. « Les IPA résultent de deux envies : celle des médecins de voir les infirmières plus autonomes, surtout en période de pénurie de médecins ; et celle des infirmières, qui aspirent à plus de valorisation et moins de tâches répétitives », défend le Dr Florence Vorspan, psychiatre et co-coordinatrice de l’unité d’enseignement de formation.
« Nous ne sommes pas médecin et nous ne voulons pas l’être », affirme Camille Lefebvre-Durel. Emma Kokoua Manly garde son pyjama d’infirmière pour montrer qu’elle « reste infirmière avant tout », alors que les IPA portent des blouses blanches. Camille Lefebvre-Durel ne souhaite pas non plus être vue comme « uniquement la réponse à un manque. Ce n’est pas ça les IPA, c’est un vrai projet d’équipe », insiste-t-elle.
Une revalorisation professionnelle et personnelle
Les collaborations interprofessionnelles du métier d’IPA donnent toutefois plus de reconnaissance au travail infirmier. « Pendant leurs stages, les étudiants sont suivis par un médecin et par une infirmière », explique Pr Hawa Keïta-Meyer, responsable pédagogique de la formation et anesthésiste. Le DE d’IPA est la première formation infirmière à être entièrement rattachée au Ministère de l’Enseignement Supérieur : « Cette reconnaissance universitaire représente un symbole fort. Le Conseil National des Universités Santé devrait même nommer des infirmiers professeur d’université et maître de conférences dès 2020 », ajoute-t-elle.
L’évolution personnelle motive aussi les élèves. « Je souhaitais être plus autonome, prendre des décisions, coordonner les actions avec l’assistante sociale par exemple », explique Damaris Marino, infirmière libérale dans le Jura et étudiante en première année. Alvine Kouedje, infirmière à l’hôpital européen Georges Pompidou et étudiante, ajoute : « Nous approfondissons les théories des sciences infirmières. L’impact ne sera que meilleur pour le patient. »
Et pour les structures médicales, selon Martine Novic, co-responsable pédagogique de la formation et directrice de soins, « leurs services les attendent. Les IPA représentent un réel intérêt médico-économique. » La rémunération des IPA reste toutefois à négocier, ainsi que le financement de leur formation. Le coût du DE d’IPA s’élève à 5 000 € par an, si pris en charge, ou environ 2 000 €, si autofinancé.
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