Suspension de peine pour raison médicale : un rapport préconise d’assouplir les règles

Publié le 19/06/2014
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Alors que la réforme pénale sera soumise au Sénat le 24 juin, la garde des Sceaux Christiane Taubira et la ministre de la Santé Marisol Touraine viennent de recevoir le rapport sur « les aménagements et la suspension de peine pour raisons médicales (SPRM) » du groupe de travail Santé et Justice, mis en place en février 2013.

En 2012, sans compter les suicides, 106 personnes détenues sont décédées. Malgré une population excédentaire (+7 % en un an) et vieillissante (11,3 % de plus de 50 ans), les suspensions ou aménagements de peine pour raison médicale sont peu fréquents et stables : 296 demandes de SMPR ont été faites en 2012, dont 253 ont été accordées, 117 personnes âgées de plus de 70 ans (sur 464 seniors détenus) ont bénéficié d’une mesure de libération conditionnelle. Il y eut aussi 264 demandes de placement sous surveillance électronique pour suivre un traitement médical.

Médecins mal (in)formés

Les raisons de cette faible application du dispositif de SPRM sont multiples : champ d’application restreint excluant la détention provisoire ou les personnes souffrant de troubles mentaux hospitalisés en établissement spécifiques, conditions d’octroi trop strictes (nécessité de deux expertises médicales distinctes et concordantes, voire d’une troisième psychiatrique lors d’un suivi socio-judiciaire) et interprétation restrictives des textes. Pour se voir accorder une SPRM, le pronostic vital doit être engagé « à court terme » et l’état de santé doit être « durablement incompatible avec le maintien en détention ». Mais il est parfois délicat de définir un pronostic vital. Et les conditions concrètes vécues par le détenu sont souvent peu prises en compte pour évaluer la compatibilité de la détention avec sa santé, notamment en cas de handicap.

Le rapport pointe aussi l’absence de solution d’accueil à l’extérieur ou encore des carences dans la formation et l’implication des acteurs. Selon la Compagnie des experts de la cour d’appel de Douai, sur 12 médecins, 3 n’avaient aucune connaissance des SPRM et tous se plaignaient de déplacements trop longs, mal défrayés, et de lieu d’examen inadapté (parloir).

Révision des expertises

Le groupe de travail préconise d’élaborer un guide méthodologique santé/justice unique sur les SPRM (une proposition reprise par les ministères) et de mettre en place des formations pour les personnels médicaux et pénitentiaires, les magistrats et les médecins experts.

Il propose d’élargir le champ d’application du dispositif au handicap, aux troubles psychiatriques, et à la détention provisoire et d’assouplir les règles d’octroi : passer de 2 à 1 expertise et réviser l’expertise psychiatrique - Elle a déjà été supprimée en cas d’urgence par décret en février 2014 mais le groupe demande une révision générale et une amélioration de ses conditions de réalisation. Enfin il conseille de perfectionner la prise en charge en aval en renforçant le rôle du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP).

Plus audacieuses, d’autres mesures sont soumises à réflexion, mais sans faire l’unanimité, comme le relèvement des tarifs de rémunération des expertises ou la suppression de la mention de court terme associé au pronostic vital.

Coline Garré

Source : Le Quotidien du Médecin: 9336