Idées
En 2003 les socialistes semblent avoir perdu le pouvoir dans la plupart des grands pays ; en France sa direction semble « sonnée », divisée, sans chef, même si elle tente de se refaire une santé dans le happening antimondialiste. Et c'est pour Malhuret l'occasion de dresser un accablant tableau.
Au départ, il y a une idéologie de type Robin des bois : il faut prendre aux riches et redistribuer. L'ennui avec le socialisme à la française, c'est que sa prétendue générosité coûte en général très cher aux démunis. Pour l'auteur, un bon exemple en est le victimisme. Cet état d'esprit empêche de penser que les riches puissent être des victimes, car « la propriété c'est le vol », mais il empêche aussi de considérer que les véritables victimes en matière d'insécurité ce sont les plus faibles. Or, pour la vulgate de gauche, le victimisme s'applique aux délinquants ! Ce sont eux qu'il faut plaindre et aider car leurs actes résultent des effets cumulés de la pauvreté, du chômage et du ghetto : « Impossible pour la gauche d'imaginer que la victime soit l'épicier de quartier dont on vient de cambrioler la caisse pour la cinquième fois, la vieille dame qui se fait racketter à la sortie du distributeur de billets ».
Une fois aux affaires, les socialistes ont dû constater qu'il fallait étendre à la classe moyenne et aux plus petits une ponction qui ne trouvait plus assez de substance chez les riches. On en est arrivé à frapper plus durement le porte-monnaie des humbles, mais aussi à ruiner la qualité de vie en généralisant une idéologie devenue folle : permissivité accrue à l'égard des « incivilités », l'incendie de voitures passible théoriquement des Assises en faisant partie, car « il est interdit d'interdire ». Création d'un enseignement au rabais pour maintenir à tout prix le collège unique. Décrédibilisation de toute autorité et attaques contre la culture française classique (décrétée « bourgeoise ») au profit d'un multiculturalisme systématique. Prédominance du collectif sur l'individu et nihilisme relativiste : finalement tout se vaut, Shakespeare ou une paire de Nike, comme le raillait Alain Finkielkraut.
Les bonnes questions
Idéologique, c'est-à-dire du point de vue de la lettre du marxisme, imposant au réel une pensée déconnectée de la réalité, la gauche a pu grâce à François Mitterrand trouver un terrain de manuvres fort concret, celui que Badinter a nommé la « lepénisation des esprits ».
Ce qui était authentique réalité : Le Pen, avec ses grossièretés, ses dérapages, son poujadisme, fut doublement utilisé pour les socialistes. Avec cynisme par Mitterrand, qui, on le sait, réinjecta un peu de scrutin proportionnel pour gêner la droite. Avec naïveté pour tous ceux qui considéraient que la France était en permanence menacée par un péril fasciste, les héritiers du trop fameux « CRS = SS » de leur adolescence. D'où la ire à l'égard de Fabius qui avait osé dire que Le Pen donnait de mauvaises réponses à de bonnes questions. Pourtant, estime Malhuret, « Fabius avait raison. Il fallait traiter les problèmes dénoncés par Le Pen, qui ne disparaissaient pas parce que ce dernier avait choisi d'en faire ses choux gras ».
Telle est, dit l'auteur, l'idée fixe d'une gauche obnubilée par le retour d'un fascisme bien improbable dans notre pays, nullement gênée que presque tous ses intellectuels aient adhéré aux crimes du système communiste. Une gauche à la fois collée au passé, et sans autre projet cohérent pour l'avenir qu'une alliance avec des Verts très roses pour sauver la planète de périls souvent inventés.
Guerre politicienne
S'il utilise parfois le ton de la raillerie et du pamphlet, le travail de Claude Malhuret est avant tout un outil de combat : il s'agit de cogner dur sur un adversaire que l'on sent groggy. De ce point de vue, n'est-ce pas de bonne guerre politicienne ?
Sur le fond, c'est peu dire qu'il ravira les déjà-totalement-convaincus. Il n'en reste pas moins que l'urgence de la démonstration peut frôler le très contestable. Ainsi, pour montrer l'horreur du totalitarisme communiste est-on parfois contraint de minorer la spécificité du nazisme, bien sûr sans esprit de révision, mais en gommant sa volonté d'extermination déshumanisante pour se situer sur le seul terrain des chiffres de victimes. Entreprise déjà faite par des consciences moins pures que celle de Claude Malhuret.
Robert Laffont, 257 pages. 19 euros.
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