PATRIMOINE – Réformes fiscales et « choc des offres »

Tout va-t-il changer sur le front de l'immobilier ?

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Publié le 21/09/2017
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GESTION

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Crédit photo : PHANIE

Des incertitudes qui planent sur les conditions du remplacement de l'ISF par l'IFI aux espoirs que peut susciter (à bon escient ?) le maintien du régime « Cosse », « le Quotidien » explore les perspectives immobilières esquissées en ce début du quinquennat Macron.

Quelles évolutions prévisibles pour la fiscalité ?

Dès 2018, l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) devrait remplacer l’ISF. Pour les ménages soumis actuellement à cet impôt, le fait de ne plus inclure leurs valeurs mobilières dans le calcul du patrimoine imposable diminuera ou annulera cette fiscalité. C’est donc une bonne nouvelle. Mais deux questions se poseront : faudra-t-il vendre un bien pour passer en dessous du seuil d’imposition ? Ou bien faudra-t-il ne pas investir pour ne pas devenir imposable à l’IFI ? Et qu’en sera-t-il des investissements tels que les SCPI (sociétés civiles de placement immobilier) ? S’ils entrent pour tout ou partie dans la base taxable à l’IFI, cela pourrait bien pénaliser ce placement, malgré les avantages qu’il comporte.

Autre effet parallèle, surprenant pour une mesure annoncée comme devant faire revenir les investisseurs et les engager à placer leur épargne dans les entreprises françaises, il semble que la possibilité de réduire son ISF en investissant dans les PME par l’intermédiaire de FCPI et de FIP sera supprimée.

Mais revenons à notre immobilier et à l’augmentation de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) à 17,20 % : elle va entraîner une diminution du revenu locatif net déjà généralement bien faible du fait d’une fiscalité lourde : son taux maximum d’imposition va passer de 60,5 % à 62,20 %. Le tout calculé sur des loyers peu revalorisés, voire diminués ces dernières années et pour lesquels il n’est prévu aucune compensation comme c’est le cas des revenus d’activité. À cet égard, il est vrai qu’un effort de 5 euros de diminution des loyers compensant la baisse des APL ne changera pas grand-chose…

Notons également que les régimes encourageant l’investissement dans l’immobilier à l’aide d’économies d’impôt devraient prendre fin. Le régime Pinel vit apparemment ses derniers mois en l’état pour être, soit modifié à la baisse ou concentré sur certaines villes, soit supprimé dès l’année prochaine, sans qu’aucun autre dispositif ne soit annoncé. La seule bonne nouvelle pour notre marché serait-elle la disparition de la taxe d’habitation pour la majorité des ménages ? Oui, si cela permet à des locataires de consacrer un peu plus de revenus à leurs loyers et pourvu que les communes qui ont vu déjà les dotations de l’État fortement diminuer aient une compensation équivalente. Non si demain elles se retrouvent obligées de compenser cette perte pour survivre. Il se pourrait donc qu’intervienne une augmentation de la taxe d’habitation pour les autres ménages ou de la taxation des entreprises – encore elles.

L’imposition des plus-values immobilière ne devrait pas être modifiée. La résidence principale restera exonérée et les autres plus-values bénéficieront d’abattement aboutissant à une exonération d’impôt sur le revenu après de 22 ans et de prélèvements sociaux au bout de 30 ans. Seul le passage de ces derniers de 15,5 % à 17,20 % augmentera l’addition.

Autres mesures pouvant impacter le marché immobilier

L’objectif est clairement de diminuer le coût du logement par un « choc des offres ». Pour cela, on annonce la création de 50 000 places supplémentaires pour le logement d’urgence et la construction de 40 000 logements sociaux ou très sociaux par an dès l’année prochaine. Ceci principalement dans les zones de loyers tendus « où le prix du logement s'est envolé, sur un temps donné », selon Emmanuel Macron.

Ceci sera accompagné par une mise à jour des données des occupants actuels de logements sociaux afin de libérer les logements occupés par ceux dont la situation ne justifie plus cet avantage.

En outre, l’État met en vente des biens immobiliers provenant du parc qu’il détient. Il suffit d’aller sur le site www.economie.gouv.fr/cessions pour le constater. De quoi alimenter un peu plus l’offre.

Un régime d’investissement oublié ?

Une autre mesure sera maintenue, le régime « Cosse ». Mais pourra-t-il redonner un peu de couleur à notre tableau ?

Dans ce régime, il faut répondre à des critères de location énoncés pour bénéficier d’abattements sur les revenus fonciers avant leur imposition. Plus l’effort que vous ferez sera important et plus l’abattement dont vous bénéficierez sera augmenté : il peut aller de 30 % jusqu’à 85 %.

Tout bien en état de location est éligible à ce régime. Il suffit de le louer à un tiers (descendants et ascendants sont exclus) répondant aux critères de ressources prévus et selon un loyer plafonné, ces éléments étant établis pour les zones A-bis, A, B1, B2 dans lesquelles le bien doit être situé (la zone C n’étant concernée que pour des cas spécifiques).

Nous avons cherché à évaluer l’intérêt de ce régime en prenant en exemple un appartement de 42 m², situé à Créteil, loué pour 750 € par mois, soit 17,86 € par m², et générant un loyer brut de 9 000 € par an.

Pour un propriétaire dont la tranche marginale d’imposition est de 30 % et qui, après déduction des charges, déclare des revenus fonciers nets de 8 000 €, l’imposition sera de 3 760 €. Il aura donc un revenu net de 4 240 €.

S’il opte pour le « Cosse Intermédiaire », il doit diminuer le loyer annuel à 6 300 €. Après un abattement de 30 %, son revenu net passe à 3 556 €, soit une petite diminution. En revanche, il réduit fortement ses risques d’une vacance locative car il devient compétitif sur le marché de la location.

S’il opte pour le « Cosse Social », il doit cette fois passer son loyer à 4 566 €. Mais une fois les charges payées, il ne lui reste que peu de revenu. Après un abattement de 70 %, son revenu net s’approche des 3 000 €.

Le « Cosse Très Social » diminue encore les loyers et les critères de ressource. Ces loyers passent à 296 € par mois soit 3 553 € par an, mais l’abattement est conservé à 70 %. D’où un revenu net en chute libre passant à moins de 2 200 €.

Malheureusement, même dans l’hypothèse d’un taux d’imposition très élevé, sur ce cas concret on ne trouve aucune solution dans laquelle le propriétaire aurait un intérêt à adopter ce régime. Il ne peut s’appliquer au mieux que dans des zones où les loyers effectivement pratiqués sont proches des plafonds fixés par la loi.

Sébastien Sissa, s.sissa@magncarta.fr

Source : Le Quotidien du médecin: 9603