Dermatite atopique

À traiter en urgence pour prévenir les allergies

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Publié le 15/03/2018
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Dermatite atopique

Dermatite atopique
Crédit photo : PHANIE

Dermatose la plus fréquente chez l’enfant, la dermatite atopique (ou eczéma atopique) dont la prévalence double tous les 20 ans en France, et de manière générale dans tous les pays industrialisés, appartient bien au champ de ces maladies étroitement liées à l’évolution de notre environnement et de nos modes de vie.

Même si la compréhension de ses mécanismes reste imparfaite, le professeur Jean-François Nicolas, dermatologue et responsable adjoint du service d’allergologie et d’immunologie clinique du Centre hospitalier Lyon-Sud explique qu’« il est désormais établi qu’il s’agit d’une dermatose inflammatoire chronique engendrée par une anomalie de l’épiderme qui laisse pénétrer les molécules chimiques et protéiques en contact avec la peau, déclenchant ainsi une réponse inflammatoire de l’organisme qui se caractérise notamment par l’activation des kératinocytes et la sécrétion de cytokines ».

De manière imagée, « l’épiderme normal est comme un film alimentaire imperméable. À l’inverse, l’épiderme atopique ressemble plus à un buvard », résume le Pr Jean-François Nicolas qui ajoute que l’« on sait désormais qu’il manque à la plupart de ces patients une dizaine de molécules sur le plan protéique dont la principale, la filaggrine, est impliquée dans la constitution de la couche cornée ». Plus précisément, « si la majorité ne présente pas de mutations du gène codant pour la filaggrine, en revanche, dans les lésions, l’expression de cette protéine est diminuée. Il est donc tout à fait probable que des facteurs épigénétiques altèrent la transcription de son gène codant pour aboutir à un défaut de la barrière épidermique chez les patients ne présentant aucun déficit au niveau des gènes ».

La porte d’entrée de bien des allergies

La meilleure compréhension des mécanismes d’apparition de la dermatite atopique, ainsi que de récents travaux sur des nouveau-nés permettent d’envisager des moyens de prévention à l’efficacité prouvée. Le Pr Jean-François Nicolas évoque ainsi une étude observationnelle qui a classé les enfants à la naissance entre ceux qui avaient une perte importante d’eau cutanée et ceux pour lesquels cette perte était moindre. Sans surprise, à 6 mois et 1 an, le nombre d’enfants ayant développé une dermatite atopique était nettement supérieur dans le premier groupe. Dans une autre étude, l’application dès la naissance d’un émollient sur la peau d’un groupe d’enfants ayant des parents eczémateux a permis de diminuer par deux l’apparition chez eux d’une dermatite atopique par rapport au groupe contrôle. « Cette prévention primaire existe déjà dans certaines maternités et des pédiatres recommandent maintenant l’application d’émollient » se félicite le Pr Jean-François Nicolas.

Si l’épigénétique joue un rôle prépondérant dans l’apparition de la dermatite atopique, c’est bien que « ce sont nos modes de vie qui sont responsables », explique le Pr Jean-François Nicolas qui précise que l’« on se lave mal, avec des produits trop agressifs, et l’on se lave trop ». Cette sensibilisation par la peau est d’ailleurs « probablement le point critique pour tout un ensemble de pathologies et les pneumologues commencent à penser que c’est peut-être la porte d’entrée de l’asthme, tout comme il a été montré que les enfants ayant bénéficié d’une prévention primaire développent moins d’allergies alimentaires que les autres », résume le dermatologue. En clair, « il est très facile de faire partir un eczéma s’il est pris tôt. Nous considérons donc qu’il s’agit d’une urgence et que traiter l’eczéma revient à traiter en prévention toutes les allergies ».

Benoît Thelliez

Source : Le Quotidien du médecin: 9648