Turner, John Cage

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Publié le 10/05/2023
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« Le soleil est Dieu », aurait murmuré Turner sur son lit de mort. C’est d’ailleurs le titre de l’exposition qui se tient à la fondation Pierre-Gianadda (Martigny, Suisse) jusqu’au 23 juin. Mais au-delà d’être le grand peintre du paysage et de la lumière, ouvrant la voie aux impressionnistes français voire aux expressionnistes abstraits américains, il incarne aussi la figure de l’artiste non pas engagé mais impliqué dans tous les débats de son temps. Selon John Cage, l’auteur de cette monographie vive et rapide, Turner participait à de nombreux cercles intellectuels. Il suit avec un vif intérêt les avancées de l’archéologie qui conteste les datations imposées par les exégèses bibliques. Et bien sûr, regarde les progrès de la médecine. Il se fourvoya un temps comme nombre de ses contemporains dans une pseudoscience, la phrénologie. Mais grâce au professeur d’anatomie de l’Académie royale, sir Anthony Carlisle, Turner adopte l’idée d’une chaîne ininterrompue du vivant depuis les invertébrés jusqu’à l’Homme. Dans une pluridisciplinarité qui n’existait pas encore, les cours de peinture dispensés par Turner reprenaient les notions d’anatomie comparées en lien avec la géologie. Huit ans après la mort de Turner, une certaine idée de l’espèce humaine s’effondre avec la publication en 1859 de l’Origine des espèces de Charles Darwin. Disparaîtra aussi cette figure de l’artiste inspiré par le progrès scientifique. Demeurent aujourd’hui ces œuvres frappées par le désastre de la folie humaine ou des catastrophes naturelles, de ces déluges où la lumière sculptée par la couleur est présente comme par accident. Ces paysages tourmentés sont aussi les nôtres. Les grands artistes sont des voyants.

Turner, John Cage, collection les Phares, Citadelles & Mazenod, 335 illustrations couleurs, relié en toile et coffret illustré, 199 euros.


Source : Décision Santé