Echographie d’acquisition,

Un cadre légal pour les manipulateurs

Publié le 18/10/2012
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« DEPUIS TOUJOURS, nous entretenons de très bonnes relations avec les manipulateurs. Sur le terrain, dans les établissements, notre collaboration s’avère très efficace. Et je crois que cette bonne entente a bien sûr favorisé l’émergence de cette coopération interprofessionnelle pour la pratique de l’échographie d’acquisition par les manipulateurs », souligne le Pr Laurent  Brunereau, chef du service de radiologie-neuroradiologie de l’hôpital Bretonneau au CHU de Tours et membre du bureau exécutif de la Société Française de radiologie (SFR).

Ce projet commun a été le fruit d’une réflexion engagée dès 2009 entre le Conseil professionnel de la radiologie française (G4) et l’Association française du personnel paramédical d’électroradiologie (AFPPE). Ce travail a débouché sur l’ouverture, à la rentrée 2011-2012, d’un module réservé aux manipulateurs au sein du diplôme interuniversitaire d’échographie (DIUE). L’inscription à ce DIU ne peut se faire que sous certaines conditions. « Par exemple, seuls les manipulateurs ayant au moins deux années d’exercice peuvent s’y inscrire », précise Fabien Voix, le président de l’AFPPE, qui est aussi cadre au CHU de Poitiers.

Pour cette première année, une quinzaine de manipulateurs se sont inscrits au DIUE. « Les cours théoriques sont actuellement terminés. Les examens écrits se sont déroulés en juin et tous les candidats ont été reçus à cette partie théorique. Il leur reste à finir leur dernier stage avant l’épreuve pratique », explique Fabien Voix. « Pour cette nouvelle rentrée, les inscriptions sont en cours mais on sent bien que la demande est largement plus importante que lors de la première année », note le Pr Brunereau.

La formation, délivrée dans le cadre de ce DIUE, permettra de donner une formation validante et reconnue à la pratique de l’échographie par les manipulateurs qui, à l’issue de leur 3 ans de formation initiale, ne peuvent pas faire d’échographie, comme le précise le décret de 1997 réglementant l’exercice de leur pratique. « La vérité est que cela n’a pas empêché, ces dernières années, un certain nombre de manipulateurs de s’appuyer sur leur expérience professionnelle pour se lancer dans la pratique de l’échographie avec une formation de terrain délivrée par les radiologues avec qui ils travaillent au quotidien », souligne Fabien Voix, en reconnaissant que ces manipulateurs se « plaçaient dans une sorte d’exercice illégal qui n’était satisfaisant pour personne ».

Deux éléments déterminants.

Deux éléments sont venus modifier la situation et inciter les radiologues et les manipulateurs à donner un cadre légal à cette pratique. Le premier a été l’adoption, en 2009, de la loi Hôpital, patients, santé, territoire (HPST) et de son article 51 visant à encourager le développement des coopérations inter-professionnelles. Le deuxième élément a été le problème, toujours non réglé, de la démographie médicale. « Les sondages que l’on peut faire auprès des radiologues montrent que 80  % d’entre eux font de l’échographie, constate le Pr Brunereau. Cela pose un problème lorsque l’on sait qu’il va y avoir dans les cinq à dix prochaines années un départ massif en retraite d’un grand nombre de radiologues partout en France. Dans des régions, comme la région Centre que je connais bien, on risque de connaître une réelle pénurie de radiologues dans certains départements. Cette perspective nous a forcément amenés à réfléchir à l’évolution de la pratique de l’échographie, qui est une activité chronophage pour les radiologues, et à proposer une délégation bien encadrée de certaines tâches ».

Dans la région lorraine, une expérience de coopération entre radiologues et manipulateurs dans le domaine de l’échographie avait déjà été menée sur le site hospitalier de Metz-Thionville en collaboration avec le CHU de Nancy. Fort de cette expérience, un protocole de coopération interprofessionnelle a été rédigé par les professionnels puis validé par l’Agence régionale de la santé (ARS) et la Haute autorité de santé (HAS). « Dans ce protocole, les pratiques sont très encadrées. Le délégant, c’est-à-dire le radiologue, définit très précisément les tâches pour que le délégué, le manipulateur, sache exactement ce qu’il doit faire. Il faut que sur le site, le délégant et le délégué soient d’accord avec les principes du protocole. Un directeur d’hôpital, par exemple, ne peut imposer quoi que ce soit aux radiologues et manipulateurs sans leur accord », explique le Pr Brunereau. « Dans ce protocole, les manipulateurs n’interprètent pas les examens échographiques, ils ne font que l’acquisition des images comme en radiologie, au scanner et à l’IRM. C’est ce schéma qui prévaudra ensuite dans toutes les régions qui voudront s’engager dans ce type de coopération interprofessionnelle », souligne le Pr Brunereau, en précisant que les échographies cardiaques et obstétricales sont exclues de ce protocole. « C’est logique : l’échographie cardiaque relève, en pratique, plutôt de la responsabilité des cardiologues, et l’échographie obstétricale est un domaine sensible avec de possibles implications médico-légales », ajoute-t-il.

La mise en place du « protocole lorrain » va être regardée à la loupe par les autres régions, désireuses elles aussi de se lancer dans ce type de coopération. « C’est le cas par exemple de la région Poitou-Charentes où nous allons attendre que le « protocole lorrain » soit évalué. Ensuite, s’il s’avère qu’il fonctionne bien, nous pourrons demander à y adhérer afin que l’ARS publie un arrêté d’exercice en lien avec les acteurs locaux », indique Fabien Voix.

D’après un entretien avec le Pr Laurent Brunereau, chef du service de radiologie - neuroradiologie de l’hôpital Bretonneau, CHU de Tours et membre du bureau exécutif de la Société Française de Radiologie (SFR) et Mr Fabien Voix, président de l’AFPPE, CHU de Poitiers.

 Antoine DALAT

Source : Bilan spécialistes