Le groupe de cancérologie cutanée (GCC) de la Société française de dermatologie (SFD) a récemment rédigé deux nouvelles recommandations (1) sur le mélanome. L’actualisation 2018 des données sur le mélanome de stade III modifie la prise en charge. « Dans le mélanome de stade III, la recherche d’un ganglion sentinelle était jusqu’ici optionnelle en France. D’intérêt pronostic et pour classifier les patients, elle n’avait pas d’incidence thérapeutique » indique la Dr Sophie Dalac-Rat. Cela change. Plusieurs études ont montré qu’un traitement adjuvant (immunothérapie ou thérapie ciblée) améliore d’environ 20 % la survie sans récidive des patients de stade III opérés et en rémission (2 à 6). Les données de survie globale sont cependant en attente. « Les AMM des traitements requièrent la preuve histologique d’une atteinte ganglionnaire (N1 minimum). Cela signifie qu’au stade IIIa avec ganglion positif et Breslow ≥ 1 mm, la recherche du ganglion sentinelle devient thérapeutique, pour décider ou non d’un traitement adjuvant », précise la spécialiste.
De plus, la 8e classification AJCC (American Joint Committee on Cancer) des mélanomes prend mieux en compte les métastases cutanées. Et le seuil limite du Breslow a été abaissé de 1 mm à 0,8 mm.
En pratique, quand rechercher un ganglion sentinelle ?
« Le groupe de cancérologie cutanée de la SFD recommande la recherche du ganglion sentinelle dès 1 mm de Breslow. Il n’y a pas d’indication en cas de mélanome de moins de 0,8 mm non ulcéré. Pour un Breslow compris entre 0,8 et 1 mm (ou < 0,8 mm en cas de mélanome ulcéré), la recherche se discute en RCP au cas par cas selon le patient et la localisation. Le bon sens doit primer sur les recommandations », précise la spécialiste. Par exemple, le ganglion sentinelle ne sera pas recherché chez une jeune femme présentant un mélanome de 0,85 mm du cuir chevelu, car la technique sur le visage est compliquée.
En cas de ganglion sentinelle positif, il n’y a pas d’indication de curage ganglionnaire immédiat systématique. « Il ne change pas la survie globale, note la Dr Dalac-Rat, mais distinguons cependant une atteinte microscopique d’une atteinte ganglionnaire partielle avec envahissement de la capsule qui elle, pourrait faire discuter le curage ». Par contre, aujourd’hui des protocoles avec les laboratoires donnent accès aux thérapies ciblées. « En revanche, les patients n’ont toujours pas accès à l’immunothérapie, malgré l’accord de l’INCA, de l’ANSM et de la HAS car les molécules sont encore en attente de prix », note la spécialiste.
Reste des questions : « Faut-il attendre que le ganglion sentinelle soit positif, ou traiter dès le stade IIb-IIc, de pronostic identique ? », et des certitudes… « Ces médicaments peuvent aussi avoir des effets indésirables graves (diabète aigu, myocardite…). Il faut l’expliquer au patient », indique-t-elle.
L’association nivolumab/ipilimumab disponible en 1re ligne métastatique
Dans le mélanome métastatique, les recommandations 2017 de la SFD préconisent en 1re ligne la recherche d’une mutation BRAF V600. La présence de cette mutation donne accès à une thérapie ciblée, alors que son absence oriente vers une immunothérapie anti-PD1 (nivolumab ou pembrolizumab) en monothérapie ou l’association anti-CTLA4/anti-PD1 (ipilimumab/nivolumab). Cette association de deux immunothérapies (ipilimumab/nivolumab) peut désormais être prescrite grâce au décret paru le 30 avril au journal officiel. Plus efficace que la monothérapie (60% de réponse), elle est à réserver aux patients en bon état général et sans comorbidités car elle expose à 50% d’effets indésirables de grade III-IV. Il y a donc maintenant deux options thérapeutiques (monothérapie ou association) en 1re ligne métastatique en absence de mutation.
En 2e ligne métastatique et en l’absence de mutation BRAF, le traitement de référence, l’ipilimumab, a été déremboursé en 2018 car son efficacité a été jugée insuffisante. Il n’y a aujourd’hui pas d’alternative pour les patients non mutés hormis un essai thérapeutique associant plusieurs molécules.
(1) www. sfdermato.org, onglet recommandations/oncodermatologie/mélanomes
(2) Eggermont AMM et al., N Engl J Med 2016;375:1845-1855
(3)Weber J et al. N Engl J Med 2017;377:1824-1835
(4) Long GV et al. N Engl J Med 2017;377:1813-1823
(5) Hauschild A et al. J Clin Oncol 2018 JCO1801219
(6) Eggermont AMM et al. N Engl J Med 2018;378:1789-1801
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