Objets connectés

Un média de proximité

Publié le 05/03/2015
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Crédit photo : PHANIE

Montres, bracelets, pèse-personnes, applications pour smartphones et tablettes, dispositifs médicaux… L’objet connecté de santé peut revêtir des formes diverses et variées.

Dans la relation médecin/patient, il devient un média d’automesures, facilitant ainsi l’éducation thérapeutique (ETP), la prévention et le suivi des maladies chroniques. En pneumologie, trois grandes pathologies bénéficient des avancées liées aux objets connectés : la BPCO, l’asthme et le syndrome d’apnée du sommeil (SAS).

Favoriser la prévention

Depuis octobre 2011, le CH de Moulins-Yseure a notamment lancé un essai clinique de télésurveillance de patients ayant une BPCO très évoluée. Après une hospitalisation pour décompensation respiratoire, le patient dispose, ainsi, chez lui, d’une balance et d’un appareil connectés mesurant la fonction respiratoire (spirométrie, oxymétrie) et la température au quotidien afin de prévenir une nouvelle exacerbation. Le patient est également suivi par un infirmier spécialisé par téléphone. Ce projet, baptisé Hospitadom – validé par l’ARS d’Auvergne et devant inclure 100 patients à terme – est en cours de réalisation. « Les premiers résultats ont déjà montré un impact très favorable en termes de réduction des hospitalisations ainsi qu’une bonne acceptation du protocole d’automesure à domicile », souligne le Dr Marc Sapène, pneumologue à Bordeaux, fondateur d’une commission spécialisée sur la santé connectée à l’union des médecins libéraux d’Aquitaine.

La prévention de l’aggravation ou des crises liées à certaines maladies chroniques passe également par une observance optimale. Dans ce cadre, Propeller Health a développé – pour les patients asthmatiques sous corticoïdes inhalés en traitement de fond – un capteur placé sur l’appareil de spray, qui indique le moment de la prise du traitement et dispose d’un rappel (en cas d’oubli). « L’intérêt de ce capteur connecté c’est qu’il rend visible l’invisible : il permet, par exemple, de visualiser la courbe de traitement du patient sur un smartphone. Ce dernier peut, ainsi, voir s’il a bien pris ou non son traitement sur une durée déterminée. Cette visualisation favorise l’observance », note le Dr Sapène.

L’autogestion de l’asthme au quotidien sera également une réalité, dans les années à venir, grâce aux applications et débimètres connectés au smartphone. « Les applications de géolocalisation, actuellement en cours d’expérimentation, seront par ailleurs très utiles aux asthmatiques et allergiques. Elles pourront permettre, pour un lieu donné, d’obtenir des informations sur le climat, le temps, les allergènes, les polluants atmosphériques à l’aide de capteurs connectés à un smartphone », ajoute le Dr Sapène.

Vers une médecine plus personnalisée

Concernant le SAS, l’étude OPTISAS promue par la fédération française de pneumologie (FFP) et la fédération des spécialités médicales (FSM) sur plus de 500 patients apnéiques, démontre que le télésuivi via les objets connectés améliore la prise en charge de maladies chroniques. Pour mémoire, dans cette étude, les informations de la pression positive continue (PPC) étaient transmises directement sur une plateforme internet et suivies par le le médecin prescripteur. Le patient fournissait également à cette plateforme des informations cliniques (oxymérie, actimétrie, automesures de la pression artérielle), par le biais d’une tablette numérique. « OPTISAS a notamment montré que près de 50 % des patients apnéiques considérés, avant leur inclusion dans l’étude, sans risque cardiovasculaire – dans le cadre de mesures faites à domicile le matin et le soir – présentaient en fait une hypertension artérielle (HTA). Le télésuivi via des objets connectés permet donc d’améliorer le diagnostic. L’étude a aussi mis en évidence que 60 % des apnéiques avec risques cardiovasculaires n’étaient pas contrôlés pour leur tension artérielle avant l’étude », note le Dr Sapène.

Le dépistage du SAS chez les patients cardiaques pourra également être amélioré grâce aux objets connectés. Des expériences en cours ont montré, par exemple, que des capteurs supplémentaires placés sur un pacemaker chez des patients cardiaques peuvent détecter d’éventuelles coupures de respiration. « Les objets connectés en santé nous mènent vers une médecine beaucoup plus personnalisée et préventive. La masse considérable de données collectées via la télémédecine devra, toutefois, rester sanctuarisée au sein du milieu médical. La pneumologie se prête particulièrement bien à la santé connectée : la spécialité dispose d’appareils d’automesure suffisamment fiables pour passer en pratique quotidienne. Les pneumologues devront s’y former sans tarder. Malheureusement en France, le manque de financement et les contraintes administratives freinent encore l’utilisation quotidienne d’objets connectés à des fins médicales », conclut le Dr Sapène.

D’après un entretien avec le Dr Marc Sapène, pneumologue, Clinique Bel Air, Bordeaux

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Bilan spécialistes