Vouloir diagnostiquer les maladies neurodégénératives à un stade léger est-il éthique ? Est-ce utile au patient ? Le vieux postulat « À quoi bon diagnostiquer en absence de traitement curatif » est-il pertinent dans la démence ?
Plusieurs groupes de réflexion des sociétés savantes de gériatrie, neurologie, psychogériatrie ont planché sur ces questions. En France et dans les pays occidentaux, seul 1 patient sur 2 atteint de démence est diagnostiqué, souvent tardivement. Leurs travaux, une enquête nationale en voie de publication et une action conjointe européenne pointent les bénéfices éthiques du diagnostic à un stade léger.
Un diagnostic pour agir
Premièrement, le droit de savoir. « Le patient qui pose la question à un médecin a le droit qu’on lui réponde à un niveau correspondant aux données actuelles de la science », indique le Pr Krolak-Salmon.
Deuxièmement, le droit de s’organiser. « Un patient averti peut s’emparer d’un programme de soins pour préserver sa qualité de vie ; décider de participer à des programmes de prévention pour limiter les troubles du comportement, la grande dépendance, les comportements à risque », précise le spécialiste. Le non-diagnostic expose à l’insécurité (cuisine au gaz, gestion des médicaments, suivi médical, etc.). À un stade léger, le patient peut accéder aux mesures juridiques anticipées (désigner une personne de confiance, contracter un mandat de protection future), difficiles ensuite.
« Enfin, face à une maladie incurable, la dernière motivation, mais non des moindres, est de pouvoir s’informer sur la recherche et participer aux essais cliniques qui incluent surtout des patients aux stades légers », souligne le Pr Krolak-Salmon.
La FCM (28 centres experts en CHU, plus de 450 consultations mémoire de proximité) participe à l’action numéro 1 du plan national sur le diagnostic des troubles neurocognitifs et coordonne l’action sur le diagnostic de l’action conjointe européenne (« Act on Dementia »), sous l’égide de la Commission Européenne. « Ces 2 dynamiques ont stimulé une synergie entre la Fédération des Centres Mémoire et le Collège de Médecine Générale pour améliorer le diagnostic des troubles neurocognitifs, indique le Pr Krolak-Salmon. Nous avons discuté des bénéfices attendus du diagnostic au moment opportun. Les risques (faux diagnostic, stigmatisation, dépression) sont limités si l’on respecte les recommandations HAS sur l’annonce d’une maladie grave ».
Aider le médecin généraliste
Un parcours gradué adapté à la personne est au point. Un plan de formation DPC pourrait être proposé prochainement. La consultation de repérage des troubles cognitifs (ALQP006 : 69,12 €) sera remaniée et les tests modernisés. Elle permettra, soit de rapporter la plainte cognitive à un trouble psychiatrique ; soit le plus souvent de rassurer le patient si les tests sont normaux (et proposer une démarche de prévention, car la plainte cognitive est facteur de risque de maladie dégénérative) ; soit d’affirmer un trouble cognitif léger ou majeur et dans ce cas prescrire une IRM et une prise de sang (recommandations HAS) avant une consultation Mémoire.
Le diagnostic étiologique restera du ressort du spécialiste. Le patient pourra opter pour une surveillance et une démarche de prévention, voire décider d’entrer dans un essai diagnostique ou thérapeutique.
« La maladie d’Alzheimer peut officiellement (et c’est nouveau) être diagnostiquée à un stade léger. On va enfin pouvoir limiter l’errance du patient jusqu’aux urgences, lors d’une crise comportementale. Et, précise le Pr Krolak-Salmon, la confusion entre soins et recherche est clarifiée. Seuls les patients atypiques (doute, démence rapide, âge < 60 ans) ou souhaitant participer à la recherche relèvent d’examens de 3e ligne (ponction lombaire, Pet Scan) ».
(1) Krolak-Salmon P. et al., Presse Med 2018 ;47(1):75-83
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