Évaluation du coroscanner

Une lésion fait-elle le pronostic ?

Publié le 28/05/2015
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La pratique d'un coroscanner initial ne modifie pas le pronostic à 2 ans des patients qui ont des...

La pratique d'un coroscanner initial ne modifie pas le pronostic à 2 ans des patients qui ont des...

L’étude Scot-Heart, conduite dans 12 centres écossais entre novembre 2010 et septembre 2014, a évalué si, chez des adultes ayant un angor stable, le coroscanner permet d’affirmer le diagnostic de maladie coronaire à 6 semaines par rapport à l’absence de coroscanner. Ces patients ont été randomisés pour avoir ou non un coroscanner, en sus d’une prise en charge standard. Le critère primaire évalué était le taux de patients ayant un angor en rapport effectif avec une maladie coronaire à 6 semaines. Des critères cliniques étaient aussi évalués à long terme.

Au terme de l’analyse clinique des 4 149 patients inclus, dont 85 % avaient eu une épreuve d’effort, le diagnostic de maladie coronaire a été porté dans 47 % des cas et celui d’angor en rapport avec une maladie coronaire chez 35 % des patients. Parmi les 2 073 patients randomisés pour avoir un coroscanner, celui-ci n’a pas été effectué chez 295 d’entre eux (14,23 %). Chez les patients ayant eu un coroscanner, une maladie coronaire non-obstructive a été détectée chez 38 % d’entre eux, une maladie coronaire obstructive chez 25 % ; il n’a pas été mis en évidence de maladie coronaire chez 37 % des patients. L’analyse des données individuelles a montré qu’à 6 semaines, le coroscanner a permis de reclassifier le diagnostic de maladie coronaire chez 27 % des patients et le diagnostic d’angor par maladie coronaire chez 23 %. Si la certitude du diagnostic (RR : 2,56 ; IC 95 % : 2,33-2,79 ; p‹0,0001) et la fréquence de la maladie coronaire (RR : 1,09 ; IC95 % : 1,02-1,17 ; p = 0,0172) ont augmenté, la fréquence de l’angor dû à une maladie coronaire n’a pas été modifiée (RR : 0,93 ; IC95 % : 0,85-1,02 ; p = 0,1289) par l’ajout d’un coroscanner à la stratégie diagnostique.

En revanche, cela a modifié la prise en charge ultérieure, tant en termes d’examens complémentaires (moins d’imagerie de stress et plus de coronarographie avec le coroscanner ; p ‹ 0,0001) que de traitements préventifs et/ou antiangineux (plus de traitements préventifs et moins de traitements antiangineux avec le coroscanner ; p ‹ 0,0001) sans modifier la sévérité des symptômes angineux et les hospitalisations pour douleurs thoraciques à 6 semaines, et le pronostic à 1,7 an.

L’étude PROMISE : quel pronostic à 2 ans ?

L’étude PROMISE avait pour objectif de comparer par randomisation le pronostic à 2 ans d’un même type de patients, selon qu’ils avaient initialement un coroscanner ou un examen de recherche d’ischémie (épreuve d’effort ou scintigraphie myocardique ou échocardiographie de stress). Le critère primaire, évalué à 2,5 ans, était composé des décès, IDM, hospitalisations pour angor instable ou complications per-procédure de revascularisation. L’étude a permis d’enrôler 10 00 patients, dans 193 centres aux États-Unis et au Canada.

Au terme de 2 ans de suivi moyen, la stratégie reposant sur le coroscanner n’est pas associée à une réduction des événements CV majeurs par rapport à celle fondée sur des examens fonctionnels (164 versus 151 événements ; HR : 1,04 ; IC95 % : 0,83-1,29 ; p = 0,75). Elle ne remplit pas non plus les critères de non-infériorité préalablement prévus (marge de non-infériorité : 1,10).

Dans la stratégie avec coroscanner, par rapport à la stratégie de référence, Il y a eu moins de coronarographie sans lésion significative (170 versus 213 ; p = 0,022) mais plus de revascularisation coronaire (311 versus 158).

Les études PROMISE et Scot-Heart évaluent une même question : le coroscanner peut-il contribuer à modifier le pronostic de patients pris en charge pour des symptômes évoquant une maladie coronaire ?

L’étude Scot-Heart par sa méthode, son suivi court et sa puissance, inférieure à celle préétablie, ne permet pas de juger de l’influence du coroscanner sur le pronostic. Elle confirme une hypothèse préalable : le coroscanner permet de distinguer, parmi des patients ayant des douleurs thoraciques, ceux qui n’ont pas de maladie coronaire et ceux qui ont une, qu’elle soit ou non obstructive. On indique qu’elle reclassifie le diagnostic. En fait, il serait plus exact de dire qu’elle renforce le lien possible entre des symptômes et leur cause coronaire putative. De ce fait, elle modifie la prise en charge ultérieure en augmentant la prescription des traitements de fond de la maladie coronaire (probablement chez les patients ayant une maladie coronaire, obstructive ou non, dont la prévalence est élevée dans cette population) et le taux de coronarographies (probablement chez les patients ayant des lésions significatives). Cependant, l’étude ne démontre pas (peut-être parce qu’elle ne le peut pas en termes de puissance) que cela modifie le pronostic à 1,7 an. Elle peut juste montrer que cela ne modifie pas la sévérité des symptômes à 6 semaines.

L’étude PROMISE, plus ambitieuse, montre que la pratique d’un coroscanner initial ne modifie pas le pronostic à 2 ans des patients ayant des symptômes évoquant une maladie coronaire, par rapport à des tests de recherche d’ischémie. Elle indique même que le coroscanner serait inférieur à l’approche diagnostique fonctionnelle.

Alors, le coroscanner est-il « condamné » ? La réponse est dans la compréhension de ce qu’est la maladie coronaire et de sa potentielle évolution, donc du risque d’infarctus, et de ce qu’apportent les examens disponibles à cette compréhension et cette évaluation du risque. La question que l’on se pose est en fait : face à un patient, symptomatique ou non, quelle est sa probabilité d’avoir un infarctus ? Et puis-je diminuer ce risque ? Le coroscanner renseigne sur l’existence d’une maladie coronaire obstructive ou non, mais ne renseigne qu’imparfaitement sur le risque d’infarctus. De plus, lorsqu’il objective des sténoses significatives, il augmente la probabilité que des symptômes éventuels soient en rapport avec une maladie coronaire mais il n’indique pas que cette corrélation est à risque, imminent ou non, d’infarctus. Plus encore, il bute sur un obstacle majeur : il n’a pas été démontré, hors syndrome coronaire aigu, que la revascularisation d’une lésion coronaire, même à l’origine d’une ischémie, réduit le risque d’infarctus. Dès lors, comment la mise en évidence d’une lésion coronaire au coroscanner peut-elle modifier le risque ultérieur d’infarctus ? Certains répondront : en permettant de prescrire un traitement de fond de la maladie coronaire à ceux qui ont des lésions, mêmes non significatives et en l’évitant chez ceux qui n’en ont pas. Il reste donc à démontrer que le coroscanner est supérieur, en termes de classification du risque d’infarctus, à une évaluation usuelle du risque, telle la grille de Framingham et/ou SCORE, ou plutôt qu’il améliore la pertinence de la prise en charge. Et là, il s’agit d’autres études à mener.

Dr François Diévart

Source : Congrès spécialiste