À la différence de l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection altérée qui voit son arsenal thérapeutique s’accroître au fil des années, l’insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée (ICFEP) souffre d’une absence de thérapeutique efficace. Ce n’est que récemment que l’hétérogénéité des étiologies, et par extension des mécanismes physiopathologiques, qui composent cette entité syndromique, a été supposée participer à l’échec des nombreux essais thérapeutiques dans ce domaine. Cette hypothèse a conduit certains auteurs à utiliser les outils informatiques habituellement dédiés au génotypage pour dégager les grands groupes phénotypiques qui composent l’ICFEP (1).
De ces études, il est ressorti que l’ICFEP regroupe au moins trois grands groupes phénotypiques qui se distinguent par leurs caractéristiques cliniques, leurs structures et fonction cardiaques, leur hémodynamique et leur pronostic. Si l’on s’intéresse de plus près au groupe le plus à risque dans cette population, et par conséquent, le groupe qui impactera le plus le résultat d’un essai clinique, il est intéressant de constater que le profil des patients correspond en tout point à celui que l’on attendrait d’un patient atteint d’amylose cardiaque.
Chez plus de 60 % des patients de plus de 90 ans
L’amylose sénile, ou amylose à transthyrétine sauvage (par opposition à l’amylose à transthyrétine mutée, maladie familiale de transmission autosomique dominante), est une pathologie sporadique d’expression quasi exclusivement cardiaque (à l’exception du syndrome du canal carpien) qui prédomine chez l’homme de plus de 60 ans (2). Tout comme l’ICFEP, sa prévalence augmente avec le vieillissement de la population (3) et une récente série autopsique a retrouvé 17 % d’amylose à transthyrétine sauvage dans une population de patients avec ICFEP, pouvant dépasser 60 % chez les patients de 90 ans et plus (4). En l’absence de biomarqueur diagnostique et étant donné une localisation quasi exclusive au niveau du cœur, son diagnostic a pendant longtemps été méconnu devant la réticence légitime des cardiologues à obtenir la preuve histologique de l’amylose par la réalisation de biopsies myocardiques. La découverte récente et fortuite que les cœurs atteints d’amylose à transthyrétine fixaient les diphosphonates technétiés lors des scintigraphies osseuses a permis de développer un outil diagnostic non invasif (5). Ce nouvel outil a donc ouvert la voie depuis peu à de nouveaux travaux dans le domaine de l’exploration étiologique de l’ICFEP confirmant que dans une population de patients de plus de 60 ans, 13 % avaient une fixation myocardique de traceur osseux compatible avec la présence de dépôts amyloïdes (6).
En conclusion, l'ICFEP est une entité syndromique qui regroupe plusieurs étiologies de mécanismes physiopathologiques hétérogènes expliquant probablement partiellement l’échec des différents essais cliniques dans ce domaine. La réappropriation récente de la scintigraphie osseuse comme outil non invasif pour le dépistage de l’infiltration myocardique par la transthyrétine a permis de faire un nouveau jour sur l’amylose cardiaque sénile (ou à transthyrétine sauvage) qui toucherait 15 % des patients de plus de 60 ans atteints d’ICFEP.
CHU de Toulouse
(1) Shah SJ et al. Circulation 2015;131:269-79
(2) Gertz MA et al. J Am Coll Cardiol 2015;66:2451-66
(3) Owan TE et al. N Engl J Med 2006;355:251-9
(4) Mohammed SF et al. JACC Heart Fail 2014;2:113-22
(5) Rapezzi C et al. Eur J Nucl Med Mol Imaging 2011;38:470-8
(6) Gonzalez-Lopez E et al. Eur Heart J. 2015;36:2585-94
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