Les addictions comportementales

Une prise en charge difficile

Publié le 17/12/2015
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Certaines addictions comportementales représentent probablement des pathologies psychiatriques

Certaines addictions comportementales représentent probablement des pathologies psychiatriques
Crédit photo : PHANIE

Conduites de dépendance, les addictions comportementales concernent non pas une substance (drogue, alcool…) mais un comportement, tel le jeu ou les achats. Conduites compulsives, très proches cliniquement des addictions aux drogues, elles impliquent la perte du contrôle, l’incapacité de s’abstenir de réaliser le comportement et l’envie impérieuse de réaliser le comportement, ou « craving ». Elles peuvent avoir des conséquences, parfois sévères, d’ordre psychiatrique, familial, financier, social, qui représentent selon

certains un véritable problème de santé publique. Leur autonomie est cependant discutée : le DSM 5 (2013) ne retient que le jeu pathologique parmi les « troubles liés à l’usage d’une substance et addictions ». Pour les autres conduites, le DSM 5 considère, citant l’addiction sexuelle, l’addiction à l’exercice, l’addiction aux achats et à internet qu’on ne peut les inclure, pour le moment, dans la catégorie des addictions, faute de critères diagnostiques fiables permettant de les considérer comme des troubles mentaux.

Il est cependant admis de considérer comme des addictions comportementales outre le jeu pathologique, les achats compulsifs, l’addiction sexuelle, mais aussi pour certains l’addiction au travail (« workaholism »), à l’internet, aux jeux vidéo chez les adolescents, et même au portable.

Toutes les addictions comportementales, à l’instar des addictions aux drogues, ont des caractéristiques communes qui peuvent autoriser à soutenir leur unité. Perte du contrôle, poursuite, malgré ses conséquences négatives, d’un comportement délétère, comorbidités psychiatriques (dépressions dans 30 à 50 % des cas, troubles anxieux), addictions aux drogues associées (alcool, cocaïne, tabac…), graves conséquences possibles, financières et familiales.

Peu de travaux épidémiologiques, faute sans doute de critères établis au niveau international, permettent d’évaluer la fréquence réelle des addictions comportementales. Seul le jeu pathologique a fait l’objet de travaux épidémiologiques, s’appuyant sur les critères du DSM, qui permettent d’évaluer sa prévalence sur la vie de 0,4 à 1 % (sont répertoriées toutes les conduites de jeu, casino, courses hippiques, jeu sur internet). La prise en charge des addictions comportementales est difficile. Elle fait appel en premier lieu aux thérapies motivationnelles : l’inscription du comportement addictif au sein de la personnalité est telle qu’une forte motivation est nécessaire pour renoncer à ce qui est devenu un mode d’accès prévalent au plaisir, à la mise en jeu des systèmes de récompense, puis, comme pour les drogues une conduite compulsive d’automédication du stress, de l’anxiété, des affects dépressifs. Au delà, les thérapies cognitives et comportementales sont les plus utiles : analyse des situations addictogènes, modification des comportements, modification des cognitions erronées.

L’objectif thérapeutique est, soit l’abstinence totale (pour le jeu, par exemple), soit un retour à une relation non addictive au comportement qui retrouve sa valeur hédonique ou utilitaire (addiction sexuelle, achats, internet). Les psychotropes ne sont nécessaires qu’en cas de comorbidité dépressive ou anxieuse. Si certaines addictions comportementales représentent probablement des pathologies psychiatriques (jeu,

achats, addictions sexuelles), d’autres, plus critiquées, sont aux limites de constructions diagnostiques trop extensives et doivent donc être considérées avec prudence.

Professeur émérite de psychiatrie, Paris

Pour en savoir plus :

Adès J, Lejoyeux M. La fièvre des achats. Les empêcheurs de penser en rond. Paris, 1 vol., 2002.

Adès J, Lejoyeux M. Encore plus. Paris, Odile Jacob, 2001.

Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorders (DSM 5). American Psychiatric Association 2013, Washington DC.

Grant M. The behavioral addictions. Am. J. Psychiatry 2015;172(10):2029-30

Pr Jean Adès

Source : Bilan spécialiste