Greffe de l'utérus

Une quinzaine d'enfants dans le monde sont nés depuis 2014

Par
Publié le 18/03/2019
Article réservé aux abonnés
greffe utérine

greffe utérine
Crédit photo : PHANIE

Il y a quelques années, les femmes n'ayant pas d'utérus ne pouvaient espérer avoir un enfant biologique - à moins d'avoir recours à la gestation pour autrui interdite en France. Aujourd'hui, on compte une quinzaine d'enfants dans le monde, en bonne santé, nés d'une mère ayant reçu un greffon utérin. En France, les premières greffes tardent à venir, elles devraient être réalisées cette année.

« La greffe utérine constitue la solution tant espérée chez des femmes qui naissent sans utérus, comme celles souffrant d'un syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH), ou chez des femmes dont l'utérus a été retiré à la suite d'un cancer ou d'une hémorragie incontrôlable après accouchement », indique au « Quotidien » le Pr Jean-Marc Ayoubi, chef de service de gynécologie-obstétrique à l'hôpital Foch de Suresnes.

La procédure se déroule en trois étapes : la réalisation de fécondations in vitro (FIV) pour obtenir des embryons, le prélèvement de l'utérus chez la donneuse - souvent, une femme apparentée à la receveuse - et la greffe chez la receveuse. Un traitement immunosuppresseur compatible avec la grossesse étant instauré, le greffon est retiré après une ou plusieurs grossesses.

L'essor de la chirurgie robot-assistée

La première naissance a eu lieu en 2014 en Suède, où sept autres enfants sont nés ensuite. L'équipe de Mats Brännström de Göteborg est en effet pionnière en la matière. Depuis, une vingtaine d'équipes dans le monde s'intéresse à la greffe utérine, dont deux en France (à Suresnes et à Limoges).

« Au total, une cinquantaine de greffes ont été réalisées dans le monde », note le Pr Ayoubi. La greffe utérine en est encore à la phase expérimentale. Le taux d'échec s'explique notamment par le taux d'échec inhérent à la FIV et par des rejets de greffe nécessitant le retrait de l'utérus implanté.

Un dernier constat à nuancer selon le Pr Ayoubi : « l'équipe suédoise, qui a une grande maîtrise de la greffe utérine, a connu très peu d'échecs. Son expertise lui a permis d'améliorer sa technique, notamment en réduisant le temps d'intervention de 30 % par rapport à ses débuts ».

Depuis près de 10 ans, le Pr Ayoubi et son équipe travaillent étroitement avec l'équipe suédoise. L'équipe française a notamment apporté son expertise dans le domaine de la chirurgie assistée par robot pour le prélèvement utérin chez les donneuses. « Cinq patientes suédoises ont déjà bénéficié de cette technique avec la participation de l’équipe de Foch », précise le Pr Ayoubi. Une équipe chinoise l'a également expérimentée. La chirurgie robotique permet une meilleure dissection, une récupération des donneuses plus rapide, une réduction du temps opératoire, de la durée d'hospitalisation, de la douleur et des saignements.

L'hôpital Foch a reçu en mars 2017 l'autorisation de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de réaliser dix greffes à partir de donneuses vivantes. « Nous en sommes à la phase de sélection des patientes », avance le gynécologue, qui espère des premières greffes cette année. Les premiers prélèvements utérins seront réalisés grâce à la chirurgie robotique.

Préserver l'artère utérine

Si les greffes issues de donneuses vivantes sont plus répandues, une première naissance issue d'une donneuse décédée en état de mort cérébrale a eu lieu en décembre 2017 au Brésil. En France, une équipe du CHU de Limoges a reçu l'autorisation de l'ANSM en 2015 de réaliser huit greffes de ce type. À ce jour, aucune greffe n'a été effectuée.

« Les deux types de greffes présentent chacune leurs avantages et leurs inconvénients », estime le Pr Ayoubi. D'un point de vue technique, les greffes issues de donneuses décédées sont plus simples à réaliser et ont l'avantage de ne faire courir aucun risque à une tierce personne. Toutefois, elles nécessitent une organisation spécifique. « Les équipes doivent être opérationnelles en urgence pour prélever le greffon et notamment vérifier la compatibilité avec la receveuse », détaille le Pr Ayoubi. De plus, la greffe d’utérus n'est pas prioritaire par rapport à une greffe cardiaque, rénale ou hépatique.

« La greffe issue de donneuses vivantes est plus simple à organiser, explique le gynécologue. Le risque encouru par les donneuses correspond à celui d'une hystérectomie élargie pour cancer de l’utérus, il est minime. Aucune équipe n'a rapporté de complications sérieuses chez les donneuses ».

Selon lui, « il est très probable qu’à l’avenir, les deux techniques de prélèvement auront leur place dans la greffe utérine, comme c’est le cas actuellement pour la greffe de rein ».

Si la greffe utérine semble aujourd'hui très prometteuse, des progrès restent à réaliser. « La complexité de l'intervention réside dans la manipulation de l'artère et de la veine utérines qui sont de très petite dimension. Plusieurs procédures sont actuellement étudiées pour améliorer le prélèvement utérin et assurer la préservation vasculaire », souligne le Pr Ayoubi.

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin: 9733