Les propos du pape contre le préservatif

Une vague d’indignation

Publié le 19/03/2009
Article réservé aux abonnés

IL N’EST PAS un responsable ou une association de lutte contre le sida qui n’ait protesté dans les termes les plus vifs. Les propos du pape dans l’avion qui le menait au Cameroun, pour sa première visite en Afrique, ont déclenché une nouvelle polémique après celles sur l’évêque négationniste Richard Williamson et sur l’avortement d’une fillette violée au Brésil.

Qu’a dit Benoît XVI ? Que l’on ne pouvait « pas régler le problème du sida avec la distribution de préservatifs » et que, « au contraire, (leur) utilisation aggrave le problème ». Le message a d’autant plus indigné qu’il a été lancé à propos du continent le plus touché par l’épidémie. « Catastrophé », le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida, rappelle que « l’épidémie continue de façon massive, avec 3,5 millions de nouvelles contaminations par an, essentiellement dans les pays du sud » et « quasi exclusivement par voie sexuelle ». Pour Médecins du Monde, « ce sont des années de travail qui sont remises en cause et surtout, ce sont des millions de gens qui vont être contaminés à cause de ces déclarations ».

Le ministère des Affaires étrangères ne dit pas autre chose en exprimant la « très vive inquiétude » de la France devant les conséquences de ces propos qui mettent en danger « les politiques de santé publique et les impératifs de protection de la vie humaine » face au sida. Et le Pr Michel Kazatchkine, directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, demande à Benoît XVI de « retirer ses propos, et clairement ».

Décalage.

Les paroles du pape témoignent d’un « décalage avec la vie des gens », souligne de son côté Sidaction. « Partout en Afrique, on travaille avec des religieux et des religieuses, confrontés à des malades et des décès tous les jours et qui savent que c’est le seul moyen de prévention », explique Bernard Audoin, le directeur général de l’association, qui espère que le pape « va profiter de son voyage en Afrique pour se rendre compte de la réalité ».

Un espoir pour l’instant déçu. « Il ne faut pas attendre de ce voyage un changement de position de l’Église catholique envers le problème du sida », a souligné lors d’un point de presse à Yaoundé le porte-parole du Vatican Federico Lombardi. L’Église estime que « développer une idéologie de confiance dans le préservatif n’est pas une position correcte » car elle ne met pas l’accent sur « le sens des responsabilités ». Et de préciser que son action se déploie dans trois directions : « L’éducation à la responsabilité de la sexualité et l’affirmation des valeurs du mariage et de la famille, l’engagement pour des soins efficaces et l’attention portée aux malades ».

Au Cameroun, Alain Fogué, du MOCPAT (Mouvement camerounais pour le plaidoyer à l’accès aux traitements), interrogé par l’AFP, reste optimiste : « Aujourd’hui, en Afrique, les gens font la part des choses (...) Les représentants du pape, les prêtres, les évêques ont beau prêcher contre le préservatif, son taux d’achat est aujourd’hui élevé » dans le pays. Il ajoute cependant : « L’État du Cameroun devrait réagir face à de tels propos en relançant après son départ des messages sur la prévention et l’usage correct du préservatif. Le VIH est un facteur de développement pour nous, il ne faut pas l’oublier. »

RENÉE CARTON

Source : lequotidiendumedecin.fr