Le 8 décembre 1994, paraissait au Journal officiel le « décret n° 94-1 050 du 5 décembre 1994 relatif aux conditions techniques de fonctionnement des établissements de santé en ce qui concerne la pratique de l’anesthésie et modifiant le code de la santé publique ». Très attendu par la profession, il faisait suite au rapport du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) qui le préconisait, remis au ministre l’année précédente. La raison de cette attente était le constat que l’enquête de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) sur les accidents d’anesthésie, publiée en 1983, n’avait été suivie d’aucune action réellement structurante dans les établissements. L’enquête avait certes suscité les « Recommandations de la Société française d’anesthésie réanimation (SFAR) », pour les consultations pré-anesthésiques, l’équipement nécessaire au bloc opératoire, le suivi en salle de réveil, mais, faute de pouvoir maîtriser son environnement, la profession était dans l’impossibilité matérielle de les appliquer partout.
Un succès
Les conditions d’obtention de ce décret sont nombreuses. Il a fallu, tout d’abord, sensibiliser un ministre à la question, pour obtenir la saisine du HCSP : ce fut l’œuvre d’un chef de service universitaire. Puis constituer un groupe de travail représentatif de toutes les composantes de la discipline : ce fut l’œuvre de responsables de la SFAR. Enfin, réaliser une campagne médiatique, la remise du rapport s’étant initialement heurtée à un refus gouvernemental, ce fut une œuvre syndicale. Le succès de cette opération résulte du fait que toutes les organisations représentant la discipline ont joué leur propre partition avec un objectif commun. Le seul fait d’avoir raison, donc, ne suffit pas : une stratégie concertée est nécessaire.
Les conséquences furent immédiates, pour la consultation pré-anesthésique (« plusieurs jours à l’avance », de façon à pouvoir tenir compte de son résultat pour la programmation opératoire) ; après un délai maximal de trois ans pour les équipements et les salles de réveil (devenues salles de surveillance post-interventionnelles [SSPI] pour signifier leur intérêt au-delà de l’anesthésie et pour des interventions autres que la chirurgie). Une dizaine d’années après, l’enquête réalisée par la SFAR associée au Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) de l’INSERM a montré une réduction de dix points du taux de décès associés à l’anesthésie par rapport à la précédente enquête. Le décret n’en est pas la seule cause, mais force est de constater que ce sont les accidents qu’il visait qui ont le plus diminué.
Quel avenir ?
Sur certains points, ce texte apparaît incomplet. L’enquête SFAR-CépiDc-INSERM a montré que les principaux gains de mortalité se situent désormais au-delà de la SSPI : les 4-5 premiers jours sont critiques pour les patients atteints de comorbidités, qui sont de plus en plus nombreux. C’est tout l’enjeu des unités de surveillance continue. À l’opposé, il paraît lourd pour des interventions réalisées sous anesthésie locorégionale non compliquée. Il n’est pas question de développer ici un argumentaire ni de faire des propositions. C’est juste l’occasion de fêter un bon anniversaire à ce décret, qui a « vingt ans et toutes ses dents », et de rappeler ce qui a permis à la profession d’obtenir une maîtrise suffisante de son exercice et, grâce à cela, d’être leader en matière de sécurité des soins.
Le seul fait d’avoir raison ne suffit pas, une stratégie concertée est nécessaire.
Hôpital Saint Antoine, Paris
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